Anna Christie de Eugene O’Neill, adaptation de Jean-Claude Carrière, mise en scène par Jean-Louis Martinelli, à Paris

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Théâtre de l’Atelier à partir du 20 janvier 2015

Eugene O’Neill est un dramaturge américain du début du XXe siècle, prix Nobel de littérature en 1936, qui a introduit dans le théâtre américain un réalisme dramatique initié par Henrik Ibsen et Anton Tchekhov. Son inspiration torturée est influencée à la fois par sa vie personnelle (alcoolisme, relations familiales difficiles) et la tragédie antique.

Un théâtre de sensation où la maturité du jeu particulièrement bien servie prend tout son sens

Son écriture – âpre, directe, concrète, dotée d’une force vitale et sociale – questionne les méandres de l’âme humaine en mettant en scène des personnages en marge qui se débattent et se défient face à leur destin.

Anna Christie, l’une des premières pièces du dramaturge, a été écrite en 1922. Elle débute dans un bar du port de New-York où un marin, Chris Christopherson (interprété par Féodor Atkine), émigré suédois aux États-Unis, retrouve sa fille Anna (Mélanie Thierry), qu’il a abandonnée quinze ans plus tôt, à la mort de sa femme. Il décide de l’emmener en mer où au cours de la traversée, Burke (Stanley Weber), un jeune matelot,  sauvé de la noyade, s’éprend de la jeune femme dès ses premiers pas à bord.

Mais Anna, marquée par un passé trouble qu’elle a toujours dissimulé et en butte à l’irritation de son père face aux avances de Burke, pourra-t’elle revendiquer sa vérité sans perdre les deux hommes ?.

 ANNA CHRISTIE (Jean Louis MARTINELLI) 2015

© Pascal Victor / Artcomart

O’Neill est sans concession avec ses personnages où les hommes sont bruts de décoffrage, rugueux, fatalistes et maladroits avec la vie tandis que les femmes écorchées vives, victimes de leur condition et d’un déterminisme social, doivent se battre pour gagner leur indépendance.

Ce théâtre d’acteurs d’une grande simplicité narrative porte toutefois une dimension symbolique et onirique fortes où la mer agit comme une figure tutélaire. A la fois responsable de tous les maux, elle est celle qui éloigne, isole, endurcit, fragilise, culpabilise mais aussi lave et renouvelle l’âme.

Jean-Louis Martinelli installe à l’abri d’un regard minéral l’atmosphère d’un port avec ses escales, qui se charge d’une part de rêve, de silence et de mystère où la dualité des personnages se déploie pleinement.

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© Pascal Victor / Artcomart

D’un jeu subtil et nuancé, Mélanie Thierry incarne avec beaucoup de tempérament cette femme blessée, intranquille, féministe et en quête de rédemption.

Face à elle, Stanley Weber, dans la peau du matelot amoureux, porte d’une présence vibrante ce personnage empreint d’une forme de romantisme à l’état brut tandis que Feodor Atkine (Chris Christofferson, le père d’Anna), est parfait dans le rôle du patriarche rude aux prises avec ses obsessions et ses tourments.

Quant à Charlotte Maury-Sentier, elle campe avec drôlerie la tenancière désabusée qui prête une écoute attentive en scène d’ouverture au père et à la fille qui espère tant de ces retrouvailles.

Un théâtre de sensation où la maturité du jeu particulièrement bien servie prend tout son sens…

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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