Das Weisse vom Ei (Une île flottante) d’après Eugène Labiche, mise en scène de Christoph Marthaler, à Paris

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photo © Simon Hallström

Odéon-Théâtre de l’Europe du 11 au 29 mars 2015 

Le théâtre de Labiche dresse une peinture cruelle de la petite-bourgeoisie du XIX siècle où ses travers tels que la lâcheté, l’hypocrisie, la vanité sont raillés jusqu’à l’absurde.

Avec cette adaptation libre et revisitée de « La Poudre aux yeux » et « d’Un mouton à l’entresol », Christoph Marthaler renverse les codes du vaudeville pour mieux en extirper la charge sociale. Décoiffant.

[pull_quote_left]Dans cette proposition barrée du grand metteur en scène suisse dont on reconnait la marque à travers des personnages qui sont toujours à côté de la plaque dans une incommunicabilité totale, pas de portes qui claquent, ni de répliques qui fusent. Mais une loufoquerie burlesque et poétique, rondement assumée à la Jacques Tati ou Ionesco, empreinte de ralentis, de faux départs, de gags, de contresens, et de stupeurs.[/pull_quote_left]

L’intrigue est simple : elle convoque deux familles bourgeoises dont l’une parle allemand, l’autre français, qui s’apprêtent à marier leurs progénitures, Frédéric et Emeline. La future union étant propice à des visites de courtoisie qui vont donner lieu à une surenchère mensongère entre les parties désireuses chacune d’asseoir un statut social et de faire reconnaitre sa supériorité matérielle.

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Dans cette proposition barrée du grand metteur en scène suisse dont on reconnait la marque à travers des personnages qui sont toujours à côté de la plaque dans une incommunicabilité totale où chacun parle sa langue et aucun celle de l’autre, pas de portes qui claquent, ni de répliques qui fusent. Mais une loufoquerie burlesque et poétique, rondement assumée à la Jacques Tati ou Ionesco, empreinte de ralentis, de faux départs, de gags, de contresens, et de stupeurs.

Les personnages sont tout droits sortis de nulle part, perdus dans une réalité contre laquelle ils se débattent intérieurement et maladroitement. Car ici on chante ce qu’on n’arrive pas à dire et on immortalise l’absurdité du moment présent.

Les dialogues s’étirent pour mieux faire ressortir des faits minuscules et suspendre la mesquinerie concomitante des protagonistes : un silence gêné, un mensonge qui sonne faux, un bibelot ridicule que l’on chérit et qui explose au visage.

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La troupe de comédiens chanteurs, en grande forme, oscille entre mime, polyphonies, faux dialogues, dans une désintégration du langage et des fausses conventions qui caractérise cette écriture de plateau propre au metteur en scène. En décentrant l’hégémonie du texte dont elle se libère, elle en fait un matériau dramatique qui imprime alors un nouvel enjeu.

A l’instar de la scène finale où les personnages vident chacun entièrement le décor, bourgeoisement surchargé, signé d’Anna Viebrock, et se délestent enfin du poids des apparences pour une virginité retrouvée…



Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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