« Des journées entières dans les arbres » de Marguerite Duras, mise en scène par Thierry Klifa, à Ramatuelle

2014-02-24-Desjournesentiresdanslesarbres

Festival de Ramatuelle
Dimanche 3 août 2014 à 21h30

Les Ayguiers, 83350 Ramatuelle

L’œuvre de Duras est traversée par une nécessité de se raconter et de se dissimuler. Elle est à la fois inspirée par l’imagination et le témoignage d’une mémoire sélective, filtrée, remodelée par l’érosion du temps. Dans son théâtre, autant que dans ses romans, l’écrivain ne cesse de retravailler les événements de son enfance et d’en réinventer les traumatismes.  Avec « Des journées entières dans les arbres », ce sont la violence du grand frère despotique et la folie de l’amour maternel qui y sont abordées. Se remet-on jamais de son enfance et de l’amour d’une mère ?.

Avant de mourir, la mère (Fanny Ardant) est venue d’un pays lointain (probablement l’Indochine) rendre une dernière visite à celui qu’elle aime plus que tout. Son fils, Jacques (Nicolas Duvauchelle), qu’elle n’a pas vu depuis des années, minable flambeur, un peu maquereau, qui vivote au côté de Marcelle (Agathe Bonitzer), entraîneuse aussi soumise qu’attachante.

La pièce, selon un procédé propre à l’action tragique, s’ouvre sur l’arrivée de cette dernière et se clôt sur son départ, le tout en moins de vingt-quatre heures. Pour une tragédie contemporaine en trois actes et trois tableaux qui met en exergue l’amour déraisonnable entre deux êtres exclusifs où s’affrontent la nocivité et l’ambivalence de leur relation, la violence et le caractère excessif voire extrême de leurs sentiments.

Deux personnages donc aux abois qui souffrent de ne pas être immortels pour voir leur amour durer éternellement et en proie à une passion folle (haine/attraction) qui les consument littéralement.

Un texte fort où la passion entre douleur et candeur allume le verbe

Les mots de Duras se font obsédants, transgressifs, passionnels, métaphoriques, elliptiques – d’une noirceur crépusculaire – pour dire ce lien filial absolu et immodéré où chacun des deux protagonistes porte à jamais les stigmates d’une enfance impossible.

Dans un décor minimaliste, la mise en scène se concentre sur la parole labyrinthique et volcanique où se scrute, jusqu’à la nausée, la difficulté d’aimer. Le tout entrecoupé des transitions musicales mélancoliques et furtives d’Alex Beaupain.

Fanny Ardant d’une sensualité rebelle, débordante et animale, campe superbement cette mère affamée, dévoratrice, habitée d’un amour sans limite. Tandis que Nicolas Duvauchelle dans un jeu aussi instinctif que physique incarne ce fils dévoyé et opportuniste.

Entre les deux, Agathe Bonitzer, dans le rôle tampon et ingrat de la petite amie, s’en sort plutôt bien où son innocence un rien perverse complète le tableau familial.

Un texte fort où la passion, entre douleur et candeur, allume le verbe…

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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