Goltzius et la Compagnie du Pélican, un film de Peter Greenaway

Oeuvre remarquable qui fera le bonheur des spectateurs les plus exigeants et des admirateurs de l’univers d’un des cinéastes les plus singuliers de notre temps.

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Sortie : le 5 février 2014

Durée : 1h56

Avec : F. Murray Abraham, Ramsey Nasr, Kate Moran

Peintre décorateur avant d’être cinéaste, le réalisateur originaire du pays de Galles Peter Greenaway n’a eu de cesse de proposer dans son cinéma, depuis son premier long métrage Meurtre dans un jardin anglais (1982), une suite de tableaux cinématographiques aux cadrages enfermant les acteurs dans des images raffinées inspirées par les maîtres de la peinture classique.

Synopsis :

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

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Pays-Bas. 16ème siècle.

Hendrik Goltzius est un célèbre peintre et graveur d’œuvres érotiques. Il aimerait ouvrir une imprimerie pour éditer des livres illustrés. Il sollicite alors le Margrave (Marquis) d’Alsace et lui promet un livre extraordinaire avec des images et des histoires de l’Ancien Testament regroupant les contes érotiques de Loth et ses filles, David et Bethsabée, Samson et Dalila, Saint Jean-Baptiste et Salomé. Pour le séduire davantage, il lui offre alors de mettre en scène ces histoires érotiques pour sa cour.[/pull_quote_center]

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En 2008 il réalise La Ronde De Nuit sur la carrière puis une analyse de l’œuvre du maître de la peinture hollandaise dans le documentaire Rembrandt J’accuse. Avec Prospero’s Books en 1991, il livre une superbe adaptation de La Tempête de Shakespeare et en 1997, The Pillow Book propose d’explorer la calligraphie à travers une mise en scène superbe utilisant des corps humains comme support d’écriture, montrant au passage un goût prononcé pour l’érotisme qui sera un des points du superbement « fellinien » Le Cuisinier, Le Voleur, Sa Femme Et Son Amant (1989).

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Autre grand trait du cinéma de Greenaway : l’architecture dont il a même consacré un film avec Le Ventre de L’Architecte (1987), mais la construction de ses films et sa mise en scène peut être pensée comme une élaboration architecturale en même temps que picturale, tellement la symétrie, le cadre et les angles habitent son cinéma. Enfin un goût prononcé pour la musique qui a conduit le cinéaste à faire appel à des compositeurs comme Michael Nyman (Meurtre dans un jardin anglais, Le Cuisinier, Le Voleur, Sa Femme Et Son Amant, Prospero’s Books), Philip Glass avec lequel il prépare un Opéra ou Marco Robino pour Goltzius et la Compagnie du Pélican, son nouveau film qui réunit toutes les caractéristiques précédemment citées du cinéma de Peter Greenaway.

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En proposant le biopic de Hendrik Goltzius, célèbre peintre et graveur néerlandais connu pour ses talents de copiste, le cinéaste britannique livre une fable en forme de parabole sur  la condition de l’artiste, et particulièrement du réalisateur qu’il est. Hendrik Goltzius est un peu le double de Peter Greenaway en même temps que le conteur et narrateur de l’histoire, le metteur en scène des différents tableaux du film… Un homme qui doit charmer son créancier, ici le Margrave (ou Marquis) incarné par F. Murray Abraham (Amadeus) pour financer son travail. Le film n’est qu’une suite de tableaux, six précisément, où l’érotisme et la mort s’invitent constamment, reprenant assez librement des figures et personnages célèbres de la bible comme Adam et Eve, Loth et ses filles, David et Bethsabée, la femme de Potiphar, Samson et Dalila et Salomé. Les personnages semblent prisonniers de cadres à l’esthétique assez saisissante et volontairement artificielle par l’emploi de décors et surimpressions, Peter Greenaway montre clairement le cinéma comme un Art du mensonge et de l’artifice. Rempli d’influences picturales et littéraires, le film est riche, presque trop, à la mise en scène maniériste où chaque plan comporte une infinité de couches de détails dans un raffinement absolu.

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L’interprétation de Ramsey Nasr, comédien et poète hollandais, dans le rôle de Hendrik Goltzius, tout en truculence distille un humour subtil et quelque peu roublard, renvoyant aux spectateurs leur propre condition de voyeurs devant un film qui dépeint une série de perversions et de tabous vieux comme le monde comme le voyeurisme justement, l’inceste, l’adultère, la pédophilie, la prostitution et enfin, ultime sacrilège de l’humanité,  la nécrophilie. Au passage, le réalisateur n’hésite pas à égratigner la religion ou encore le pouvoir et son film se révèle au final assez jubilatoire et quelque peu provocateur.

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Au final, Goltzius et la Compagnie du Pélican lorgne vers le cinéma expérimental. Avec ce dernier film, Peter Greenaway cherche avant tout à proposer davantage une expérience sensorielle qu’une recherche de la narration et des émotions classiques du cinéma. Cela n’en fait pas moins une œuvre remarquable qui fera le bonheur des spectateurs les plus exigeants et des admirateurs de l’univers d’un des cinéastes les plus singuliers de notre temps.

Thierry Carteret
Cinéphile passionné, Thierry est chroniqueur cinéma et DVD depuis 2006 en ayant collaboré auparavant pour des webzines comme Kinok ou La revue du cinéma. En parallèle de son activité de chroniqueur, il exerce également les fonctions de scénariste et storyboarder sur des projets de courts, longs métrages et séries de fiction.

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