Les larmes amères de Petra von Kant de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène par Thierry de Peretti, à Paris

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© Huma Rosentalski

Création du Théâtre de l’Œuvre depuis le 12 février 2015 et pour 60 représentations

L’actrice et réalisatrice Valeria Bruni Tedeschi revient au théâtre, cinq ans après « Rêve d’Automne » mise en scène par Patrice Chéreau, dans « Les larmes amères de Petra von Kant » de Fassbinder dirigée par Thierry de Peretti où sa confrontation à l’univers noir, dévastateur du cinéaste allemand impressionne par une mise en danger envoûtante.

[pull_quote_center]Une pièce où les pulsions de vie et de mort s’entremêlent et se cognent à la douleur d’aimer[/pull_quote_center]

Petra Von Kant, célèbre créatrice de mode est à un moment clé dé sa vie. Après la perte d’un premier mari et la séparation d’avec le second, elle s’interroge sur son existence. Elle cohabite avec Marlene qu’elle se plait à opprimer et qui lui sert d’assistante et de bonne à tout faire.

Tandis qu’elle commente son récent divorce avec son amie Sidonie, survient Karine, une jeune femme d’un milieu social plus modeste qui souhaite faire du mannequinat et dont elle tombe aussitôt amoureuse en lui proposant de défiler pour sa collection et de vivre avec elle.

Sous les yeux de Marlene, spectatrice muette et jalouse intérieurement, la passion de Petra se brûle et se transforme en descente aux enfers.

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Les rapports de forces avec lesquels elle avait voulu rompre en quittant son mari, qui n’avait pas supporté sa réussite, se reconstituent avec Karine, intéressée par le succès et l’argent, ne voulant renoncer ni aux hommes, ni à son marri, dans une forme de dépendance anxiogène.

A travers un huis clos féminin constitué de 7 femmes, Fassbinder orchestre une situation de crise permanente qui décortique au scalpel, entre l’intime et le politique, les relations humaines perverties où se questionne la notion de domination/soumission dans le lien amoureux et sa reproduction dans la sphère sociale, amicale et familiale.

Cette exploration radicale qui est propre à l’univers du dramaturge n’a jamais été aussi percutante et incisive que dans cette pièce où si les arrangements avec la vérité de chacun des protagonistes sont manipulateurs et destructeurs, ils sont aussi animés d’un désir de transgression et de reconstruction.

La mise en scène de Thierry de Peretti joue la carte de l’ultra réalisme en prise frontale avec le mélodrame au ton provocateur qu’il installe dans un décor baroque/bourgeois, transposé dans les années 70, à l’atmosphère grisée et sur fond de playlists en continu qui convoquent l’univers mental de Petra.

Elle rend compte d’une tension diffuse sur fond d’exploitation des sentiments où Petra en maîtresse femme se débat au milieu d’une toile qu’elle a elle-même tissée afin d’immobiliser et de posséder ceux qui se trouvent autour d’elle avant qu’elle en devienne la propre proie.

Dans le rôle-titre, Valeria Bruni Tedeschi, aux intonations rocailleuses, électrise le plateau d’une présence fébrile et sans retenue aux infinies résonnances tandis que sa partenaire (Zoé Schellenberg) se montre calculatrice et arrogante.

Quant à Marlène (la bonne) interprétée par Lolita Chammah, elle est hypnotique, habitée d’une abnégation aussi imprévisible que sourde.

Une pièce où les pulsions de vie et de mort s’entremêlent et se cognent à la douleur d’aimer…

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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