Nos serments, texte de Guy-Patrick de Sainderichin et Julie Duclos, mise en scène par Julie Duclos, à Paris

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La Colline – théâtre national du 15 janvier au 14 février 2015
Petit théâtre

La Maman et la Putain, film culte de la Nouvelle vague, réalisé en 1972 par Jean Eustache (1938-1981), interprété par Bernadette Lafont, Françoise Lebrun et Jean-Pierre, qui mettait en scène un triangle amoureux, sert de point de départ à la nouvelle création très réussie de Julie Duclos.

Le collectif L’In-Quarto revisite avec beaucoup de finesse et d’humour les territoires intranquilles de l’amour et du désir

Considéré comme le portrait d’une génération, il s’intitulait initialement « Du pain et des Rolls » et en s’intéressant au scénario et aux écrits du cinéaste, la jeune metteuse en scène remarque que son auteur ne se voulait pas représentatif d’une époque, mais cherchait au contraire à travers ses personnages et leur conception libre du couple, à se situer à contre courant et en dehors des normes.

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Le collectif L’In-Quarto revisite donc avec beaucoup de finesse et d’humour, à l’abri de cette œuvre dont il se détache aussi, les territoires intranquilles de l’amour et du désir tout en en réactualisant le contexte de lieu et de temps pour nous questionner aujourd’hui sur le rapport à l’autre et les possibilités/limites d’un désordre amoureux.

François, intello oisif, vit au crochet d’Esther qui a une boutique de mode, avant de rencontrer une pétillante infirmière polonaise, Oliwia. Comme dans le film de Jean Eustache, les protagonistes refusent le schéma traditionnel de l’éternel trio : homme / femme / maîtresse et esquissent une autre vision du couple consistant à tenter de vivre cette situation dans un rapport apaisé et concerté.

Ce désir de liberté et cet affranchissement s’observent alors, se commentent et se partagent à travers le prisme masculin – où le personnage se montre à la fois égoïste, détaché, lâche, sincère – et féminin qui voit les héroïnes aux prises avec leurs contradictions (émancipation/possession) et le danger affectif d’une telle équation.

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Cette expérience d’un autre modèle amoureux est propice à une introspection à la fois individuelle et collective des personnages aux prises avec leur complexité intime, qui donne à voir un spectacle passionnant, dense et alliant très judicieusement musiques et vidéos.

Par un jeu délesté de toute théâtralité et au plus près d’une intériorité/vérité propre également au grand metteur en scène Kristian Lupa, les cinq comédiens (Maëlia Gentil, David Houri, Alix Riemer, Magdalena Malina et Yohann Lopez) sont exceptionnels de virtuosité où leur présence s’ancre naturellement dans une réalité sensible et profondément humaine.

Un spectacle marquant et attachant porté par une inspiration singulière…

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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