Accueil Sélectionné par la rédaction « Enfance » ou l’art introspectif de Nathalie Sarraute sur scène

« Enfance » ou l’art introspectif de Nathalie Sarraute sur scène

"Enfance" ou l'art introspectif de Nathalie Sarraute sur scène
Anne Plumet photo DR

« Enfance » ou l’art introspectif de Nathalie Sarraute sur scène

Dans son livre « Enfance » (1983), Nathalie Sarraute rassemble des souvenirs de ses onze premières années. La narration s’arrête au moment où la petite fille entre en sixième. L’une des originalités de son récit réside dans le dédoublement de la narratrice. Deux « voix » dialoguent, qui représentent l’une et l’autre l’auteur, mais qui incarnent des postures différentes à l’égard du travail de mémoire. L’une de ces voix assume la conduite du récit, l’autre représente la conscience critique.

Selon les moments, cette seconde voix freine l’élan de la première, la met en garde contre les risques de forcer l’interprétation ou inversement la pousse à l’approfondir. Grâce à ce procédé des deux voix, nous avons deux perceptions en une : d’une part un récit d’enfance, de l’autre un témoignage sur le décryptage du passé élaboré par l’auteur pour déjouer les pièges traditionnels de l’entreprise autobiographique.

La force des mots 

Du souci d’authenticité interdisant tout souvenir à partir de l’enfant qu’elle était, Nathalie Sarraute ne cherche pas à voir son enfance telle que la petite Natacha la voyait ou à se montrer à travers son enfance. Les regards sur son entourage ou sur elle-même s’opposent, se contrarient, divergent et établissent une perspective fluctuante qui s’éloigne des portraits univoques. « Enfance » tente ainsi de rendre visible l’invisible ineffable. Or, ces souvenirs enfouis dans de lointaines profondeurs ne se déclenchent qu’à partir d’un manque douloureux –l’absence de la mère– que comble le regard introspectif.

Construit à partir de fragments de souvenirs, d’images et de situations marquantes, l’œuvre ne fait pas un récit exhaustif de l’enfance de l’auteure. À l’image de son tout premier ouvrage, « Tropismes », Nathalie Sarraute s’intéresse davantage à la force des mots qui malgré leur apparence parfois banale impriment à jamais la mémoire.

À travers ce monologue intérieur, Nathalie Sarraute livre ainsi une autobiographie originale et sans fard. Elle y dévoile ici une obsession essentielle de son œuvre : la recherche pour elle du mot juste, idéal, qui saura traduire, rendre compte au plus près des mouvements intérieurs et leurs sensations qui nous traversent tous.

L’écrivain aime les mots mais plus encore aime la langue, le mot qui se fait matière, qui engendre le geste, qui se creuse de silence et qui en appelle à d’autres sensations encore.

Porté par deux comédiennes exceptionnelles de justesse, de densité et de précision : Anne Plumet (Nathacha/Nathalie) et son double, sa conscience, Marie-Madeleine Burguet, le spectacle navigue à merveille au gré des souvenirs-sensations. Chaque séquence explore les soubresauts de la conscience de la petite fille : passions et hésitations enfantines, joie, tristesse, angoisse provoquée par une phrase, un geste, un mot…, tous ces tropismes qui provoquent une réaction positive ou négative chez la petite Nathalie et constituent une empreinte indélébile.

Dates : du 16 février au 11 mai 2022 – Lieu : Manufacture des Abbesses (Paris)
Metteur en scène : Tristan Le Doze

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
enfance-ou-lart-introspectif-de-nathalie-sarraute-sur-scene "Enfance" ou l'art introspectif de Nathalie Sarraute sur scène Dans son livre "Enfance" (1983), Nathalie Sarraute rassemble des souvenirs de ses onze premières années. La narration s’arrête au moment où la petite fille entre en sixième. L’une des originalités de son récit réside dans le...

AUCUN COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Quitter la version mobile