Accueil Non classé La force de l’ambivalence avec Mademoiselle Julie (Théâtre de Poche Montparnasse)

La force de l’ambivalence avec Mademoiselle Julie (Théâtre de Poche Montparnasse)

Mademoiselle Julie
Mademoiselle Julie, mise en scène de Nils Ohlund, Théâtre de Poche Montparnasse

La force de l’ambivalence avec Mademoiselle Julie (Théâtre de Poche Montparnasse)

La tragédie d’August Strindberg est mise en scène au Théâtre de Poche Montparnasse sous forme d’un huit clos étouffant entre 3 personnages. Mademoiselle Julie est la fille du Comte parti en voyages et elle participe à la fête du solstice d’été célébrée par le personnel du château. En batifolant dans un jeu de séduction débridée autour de Jean, serviteur de la maison promis à Kristin, la cuisinière du Comte, elle ne se doute pas des conséquences autant sociales que sentimentales de ses actes. La tension le dispute aux perfidies dans un véritable duel amoureux parfaitement interprété pour en faire ressortir toute l’ambiguïté.

Une pièce entre désir et culpabilité

Quand l’auteur suédois August Strindberg écrit Mademoiselle Julie en 1899, il est un mari trompé qui transpose dans une tragédie ses frustrations intimes. En imaginant une aristocrate badinant légèrement avec un séduisant serviteur, il abroge le déterminisme social et se venge par l’entremise de cette aristocrate humiliée par un individu d’une classe inférieure. Alors qu’elle joue initialement avec un homme que son éducation lui a appris à mépriser, voire à haïr, et qu’elle pense pouvoir manoeuvrer à sa guise, elle se retrouve prise au piège de la culpabilité. Jessica Vedel interprète magnifiquement cette Julie faible et forte à la fois, résolue et honteuse, coupable et innocente. Questionnant sans cesse son ascendance aristocratique et le statut qu’elle lui confère, elle ne peut se résoudre au déshonneur que sa liaison fugace lui a pourtant fait commettre. L’ambivalence du personnage empreint la pièce d’une force dramatique peu commune, mettant dos à dos le désir interdit et l’acte condamnable. Face à elle, on ne sait si le valet Jean interprété par Nils Öhlund (en alternance avec Fred Cacheux) est un profiteur ou un ambitieux. Il se laisse courtiser en résistant mollement aux avances effrontées de sa suzeraine, sous prétexte d’un respect de sa classe et de son union prochaine avec Kristin (Caroline Pecheny). Mais on sent néanmoins l’astucieux calculateur désireux de s’élever socialement avec l’aide d’une aristocrate prise au piège. La mise en scène inventive de Nils Öhlund illustre ce rapport de force avec une table placée au milieu des spectateurs pour figurer la nasse dans laquelle l’héroïne s’est enfoncée.

Les débuts du féminisme?

Le contexte archaïque de la pièce n’empêche pas le questionnement sur des enjeux sociaux et l’émergence d’une pensée féministe. Car l’héroïne tragique ose bousculer l’ordre établi pour affirmer son désir d’émancipation et la culpabilité qui en découle marque les derniers reliquats d’un ordre ancien dont elle veut s’affranchir. La vraie impasse existentielle de l’héroïne réside dans le poids d’une éducation qui fait s’affronter en elle père et mère sans qu’elle ne puisse jamais vraiment trancher. Sa mère roturière l’a fait se sentir à moitié aristocrate seulement mais l’image d’un père comte la ramène à des prérogatives qui l’obsèdent. C’est finalement en femme affirmée qu’elle pourra trouver une solution à son dilemme intérieur, s’émancipant de barrières psychologiques que Freud décrira comme une lutte interne entre pulsions de domination et de soumission. Les comédiens rivalisent d’intensité pour communiquer aux spectateurs un trouble omniprésent qui enveloppe la pièce d’une aura de soufre.

Mademoiselle Julie tient en haleine tout du long à la manière d’un thriller sentimental retors. Les différents niveaux de trouble ressentis par les personnages assaillent les spectateurs jusqu’à les renvoyer à eux mêmes. Une pièce habillement mise en scène et formidablement interprétée à découvrir au Théâtre de Poche Montparnasse.

Dates :  du 19 janvier au 18 mars, du mardi au samedi à 21h, Dimanche à 15h
Lieu : Théâtre de Poche Montparnasse (Paris)
Metteur en scène : Nils Öhlund
Avec : Jessica Vedel, Caroline Pecheny, Fred Cacheux ou Nils Öhlund

NOS NOTES ...
Originalité
Mise en scène
Jeu des acteurs
Texte
Rédacteur ciné, théâtre, musique, BD, expos, parisien de vie, culturaddict de coeur. Fondateur et responsable du site Culturaddict, rédacteur sur le site lifestyle Gentleman moderne. Stanislas a le statut d'érudit sur Publik’Art.
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