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La Bête dans la jungle / La Maladie de la mort de Henry James et Marguerite Duras, mise en scène de Célie Pauthe, à Paris

Saison 2014-15  Theatre de la Colline CDN Besançon Franche Comté "la Bête dans la Jungle" de Henry James, adaptation Marguerite Duras mise en scène  Célie Pauthe

© E.Carecchio

La Colline – théâtre national du 26 février au 22 mars 2015

[pull_quote_center]Célie Pauthe fait résonner les deux texte à l’abri d’une mise en scène fine et subtile qui convoque dans son exposition une représentation à distance des méandres du désir pour la Bête dans la jungle, en contrepoint à une approche objective dans la Maladie de l’amour où se défie l’obscur objet du désir[/pull_quote_center]

Quel est le lien entre Henry James et Marguerite Duras ? La bête dans la jungle, immanquablement, cette nouvelle de l’écrivain américain (1843-1916), écrite en 1903, dont l’auteur français a signé en 1962 une adaptation théâtrale où son livre La maladie de la mort opère un effet de miroir en creusant les mêmes thèmes : la difficulté d’aimer, l’effroi du désir, l’expérience de l’inassouvissement, la césure entre le masculin et le féminin, l’intériorité, le manque, la marque indélébile de l’enfance.

Célie Pauthe imagine donc un diptyque théâtral à partir des deux œuvres pour explorer en hors champs puis en plan rapproché deux relations très particulières où se questionnent la quête et la nature profonde du sentiment amoureux. Hypnotique.

Catherine Bertram retrouve John Marcher qu’elle avait rencontré dix ans plus tôt et se souvient du secret qu’il lui avait confié. Il est convaincu qu’un événement susceptible de modifier sa vie se produira un jour et le traque, comme « une bête tapie dans la jungle, prête à bondir ». Ils décident d’attendre ensemble ce destin, mais la bête ne se montre pas.

C’est comme si cette bête dans la jungle était un échappatoire mais dont on redoute la possibilité, cristallisant un empêchement insurmontable.

Car qu’est-ce que cette bête dans la jungle, que cache t’elle ? Un traumatisme d’enfance ? sachant qu’elle a pris toute sa place dans la vie du protagoniste.

[pull_quote_left]Les comédiens John Arnold, Valérie Dréville et Mélodie Richard, habités d’une intériorité saisissante, sont indissociables de ce voyage mental et de son vertige[/pull_quote_left]

Et peu à peu, au cours des années, Catherine commence à avoir l’intuition que peut-être, ce destin que John Marcher attend avec une telle obsession, comme un possible qui doit arriver, est au fond en train de s’accomplir.

Henry James suggère en effet : est-ce que ce n’était tout simplement pas elle, cette femme, le destin que John Marcher n’a pas su saisir ? N’est-elle pas la vie même, l’amour, qui était là, et qu’il n’a pas pu reconnaitre ?.

Lorsque Henry James écrit ce texte, il a déjà une œuvre romanesque importante derrière lui et sur laquelle il s’interroge : la littérature est-elle la vie ? tout en questionnant aussi sur ce qu’est une œuvre : un aboutissement, ou une recherche ?.

Avec la Maladie de la mort, on suit le parcours d’un homme qui paie une femme pour venir le rejoindre plusieurs nuits dans une chambre. Le contrat est assez clair : elle lui demande « Vous voulez quoi » ?, et il lui dit « Je veux apprendre à aimer ».

Et, à la fin, alors que l’homme tente désespérément d’interroger la jeune femme sur les dérobades possibles à sa maladie –pourquoi ne peut-il aimer ? Pourquoi ne peut-il être aimé – on est aux prises avec la mémoire se remémorant cet inaccomplissement. Une faille au commencement, un cauchemar d’enfant, une scène originelle dont on ne s’est jamais sauvé, sur laquelle on n’a aucune prise et qui ne cesse de se rejouer.

Les deux textes sont au cœur de ce manque, de cette carence pathologique du coeur, qui prend la forme d’une anesthésie du désir, d’un froid intérieur dont les deux figures masculines – interprétées par John Arnold – sont paradoxalement les victimes et contre lesquels elles luttent, à leur manière, aveuglément, de toutes leurs forces.

Un empêchement d’autant plus émouvant qu’il s’avère proportionnel à la conscience refoulée de la violence du sentiment amoureux, à sa brutalité, à sa démesure, à la dévastation, à la dissolution, à la brûlure, à la peur de la perte de soi auxquels l’amour dans son emportement expose.

Célie Pauthe fait résonner les deux texte à l’abri d’une mise en scène fine et subtile qui convoque dans son exposition une représentation à distance des méandres du désir pour la Bête dans la jungle, en contre point à une approche objective dans la Maladie de l’amour où se défie l’obscur objet du désir avec un lit et un corps féminin offert.

Le décor, aux enfilades de pièces vides et grises d’un château signé Marie La Rocca, installe à merveille l’immobilité des sentiments où se miroitent dans un miroir central des silhouettes empêchées et interdites.

Les comédiens John Arnold, Valérie Dréville et Mélodie Richard, habités d’une intériorité saisissante, sont indissociables de ce voyage mental et de son vertige…
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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