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Le consentement au Théâtre du Rond Point, au-delà au male bashing

Le Théâtre du Rond Point adapte sur scène le livre acclamé de Vanessa Springora avec un seul en scène porté par la toujours talentueuse Ludivine Sagnier. Peu ou pas d’accessoires , une table, un lit, pour laisser le propos prendre toute son ampleur, celui d’un vieux dégueulasse qui porte son emprise sur une jeune fille de 14 ans sous le regard complice de parents divorcés et inertes, et d’une société gangrénée par un esprit soixante-huitard pseudo libertaire porteur de tous les excès. Tout le monde en prend pour son grade, et pas seulement le vieux libidineux, ceux qui se soulèvent aujourd’hui contre le fléau de la pédophilie ont été des témoins muets et passifs pendant longtemps, la force publique, les médias de gauche, sans oublier les autres Cohn Bendit ou Miller au silence qui veut en dire beaucoup, tous à mettre dans le même panier. La mise en scène pudique de Sébastien Davis met en avant le texte et l’interprète alors que les percussions de Pierre Belleville frappent comme des accusations contre ceux qui savaient mais ne réagissaient pas.

Une pièce puissante

Vêtue de vêtements d’adolescente lambda, Ludivine Sagnier raconte d’abord la jeunesse de l’héroïne, celle d’une jeune fille qui fait ses expériences, comme tout le monde, non pas pour justifier les débordements à venir mais juste pour bien montrer qu’elle n’est pas différente des autres. Quelques anecdotes au fil des ans, entre 5 ans et 14 ans. Elle souligne surtout le désamour familial, la séparation et la figure paternelle abimée, traumatisme qui laissera ses traces dans un esprit en pleine construction et déjà craquelé. Jusqu’à la rencontre fatidique lors d’un diner, G.M. la scrute, lui sourit, la fascine, sous le regard muet d’une mère toujours et encore complice. L’héroïne arpente la scène pour raconter son expérience de l’abus d’un adulte trop habitué à jeter son dévolu sur des proies par trop jeunes, faciles et friables, ce sont ses livres qui le disent, des livres qui ne rencontrent pas un immense succès public mais que toute l’intelligentsia germano-pratine lit avec gourmandise comme un péché coupable, sans savoir (?) ce que le texte signifie. L’homme sait écrire, son style est éblouissant, sa langue est savante, son charisme est énorme. Il vient donc chercher la jeune fille à son collège tous les jours, au su et au vu de tous, et l’emmène dans la chambre de bonne où il écrit. L’histoire dure un an, juste assez pour imprimer sa marque dans l’esprit d’une jeune fille trop jeune pour savoir réagir. L’homme n’est jamais inquiété, pas de père pour lui casser la figure ou de mère pour faire un scandale public, ni même de policiers pour l’emmener menottes aux poignets. Une connivence généralisée est pointée du doigt dans la pièce, ce n’est pas seulement le prédateur qui est accusé mais tous ses acolytes passifs qui se doutaient mais s’en accommodaient. Car les déviances de l’homme étaient connues et excusées, en premier lieu par les médias, ceux qui aujourd’hui s’évertuent à l’accuser alors qu’ils le couvraient pour mieux échapper eux-mêmes aux accusations.

La pièce rappelle le récent et puissant Les chatouilles, même musique dissonante, même mise en scène épurée, même comédienne seule en scène et même colère contre l’inaction de la société. Après 1945, les collabos ont été jugés, le moment est peut être venu de faire de même, mais l’épuration a peut être déjà commencé comme le souligne cette pièce à la densité puissante à découvrir au Théâtre du Rond Point jusqu’au 6 avril.

Synopsis:

Dans Le Consentement, l’écrivaine Vanessa Springora livre avec lucidité son histoire personnelle.

Amoureuse à 14 ans de l’écrivain Gabriel Matzneff, elle ne comprendra que plus tard les pièges qu’il tisse pour accomplir ses prédations sexuelles. Portée par #MeToo, cette œuvre déclenche une déflagration médiatique à sa parution en 2020. Avec justesse et force, Ludivine Sagnier porte la parole de la narratrice et plus largement de toutes les victimes. Dans une mise en scène qui convoque habilement le passé et le présent, soulignée par la création musicale de Dan Levy (du groupe pop The Dø), ce spectacle questionne les dérives d’une époque et, plus que tout, le consentement de toute une société. Admirablement interprété, il frappe en plein cœur.

Détails:

Salle Jean Tardieu
Du mardi au vendredi, 19h30 – Samedi, 18h30 – Dimanche, 15h30
Relâche : Les lundis et les dimanches 17, 24 et 31 mars
Durée 1h20

NOS NOTES ...
Originalité
Mise en scène
Jeu des comédiens
Plaisir de la pièce
Rédacteur ciné, théâtre, musique, BD, expos, parisien de vie, culturaddict de coeur. Fondateur et responsable du site Culturaddict, rédacteur sur le site lifestyle Gentleman moderne. Stanislas a le statut d'érudit sur Publik’Art.
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