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« Nom » de Constance Debré : une sensibilité écorchée sur scène

"Nom" de Constance Debré : une sensibilité écorchée sur scène
© Simon Gosselin

« Nom » de Constance Debré : une sensibilité écorchée sur scène

« Avec n’importe quels parents j’aurais écrit le même livre. Avec n’importe quelle enfance. Avec n’importe quel nom. Je raconterai toujours la même chose. Qu’il faut se barrer. De n’importe où et n’importe comment […] Possible que les temps qui viennent détruisent les vieilles structures, les familles, le couple, l’amour, le travail, tout ce qu’on a appris… » Ces mots sont ceux de de Constance Debré, issus de son troisième livre « Nom » (Flammarion, 2022), dont le texte est adapté pour la première fois au théâtre.

Constance Debré, née en 1972, appartient à une famille liée à l’histoire politique française (petite-fille de Michel Debré, ancien premier ministre du général de Gaulle, nièce des anciens ministres Jean-Louis Debré et Bernard Debré) et fille du journaliste François Debré.

C’est donc à cette liberté là, totale et radicale, qu’elle en appelle et qui décrypte sans fard un renoncement au clan et à la filiation. Pour un retour à l’essentiel, à une vérité de l’existence délestée de tous les artifices de la vie sociale.

Elle a laissé derrière elle un couple, un enfant, une carrière d’avocate, une vie bourgeoise, une hétérosexualité et une ascendance qui ne lui correspondait pas.

Elle démonte, jette, abat, fait le vide dans nos conventions et dans celles qu’elle a vécues. Un rejet de « la vie lamentable » comme elle le dit, une vie non vécue, l’adhésion volontaire ou impensée au théâtre des apparences et des appartenances en tous genres (sociales, familiales…), l’acceptation de l’identité et d’un destin assignés, le triste abandon à la fatalité, aux habitudes, aux autres, aux forces extérieures.

Elle ne vit désormais que pour l’écriture, la nage avec sa discipline qui la sauve de tout et le sexe.

Victoria Quesnel en majesté

Dans « Nom », elle accompagne son père dans une mort lente et inévitable. Elle observe, explore et questionne cette mort, en écho peut-être à sa propre révolution, à sa propre résurrection, à sa propre renaissance via cette introspection si propre à l’écriture. Elle renie, récuse, refuse. « Nom » c’est aussi et forcément « non » aux dictats sociétaux. Un « non » qui claque à la figure de chacun.

Seule mais libre, Constance Debré n’épargne personne dans son récit à la plume incisive et dépouillée qui brave sans relâche la pensée conformiste et au rythme effréné : la famille, l’enfance, la justice, la littérature, les bourgeois, les pauvres, tous embourbés dans un système trop huilé, de « nos vie lamentables ».

Constance Debré écrit pour l’honneur. « Possible que le monde qui vient ait besoin de héros. Je me propose, c’est exemplaire la littérature, c’est pour ça que je dis Je ». Et c’est à travers cette convention, le héros du livre, que s’explore, dans toute sa force et sa dureté, le désencombrement d’une vie et d’un itinéraire tout tracé.

Sur un plateau nu où seule résonne la puissance des mots, Victoria Quesnel, mise en scène par Huges Jourdain, est phénoménale d’incarnation. Dans un jeu d’une incroyable maîtrise et aux ruptures aussi intranquilles qu’incandescentes, elle peut tout.

Entre dépouillement et emportement d’une parole livrée à bout de souffle, empreinte d’un sentiment d’urgence, elle imprime à ce récit d’émancipation une humanité, une fêlure, une rage et une délivrance qui nous habitent longtemps. Bravo !

Dates : du 19 mars au 6 avril 2024 – Lieu : Théâtre du Rond-Point (Paris)
Mise en scène : Huges Jourdain

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu de l'actrice
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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