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Retour du Tartuffe de Luc Bondy ou l’imposture finement revisitée

Retour du Tartuffe
photo de répétition, janvier 2016 © Thierry Depagne

Retour du Tartuffe de Luc Bondy ou l’imposture finement revisitée

Le Théâtre de l’Odéon reprend, aux Ateliers Berthier, Tartuffe de Molière, mis en scène par Luc Bondy, son directeur disparu en novembre dernier. Si Micha Lescot revient dans le rôle-titre, la distribution est en partie renouvelée tandis que Marie-Louise Bischofberger et Vincent Huguet, collaborateurs de Luc Bondy, assurent la supervision artistique de cette reprise.

Luc Bondy avait crée ce Tartuffe après son adaptation en allemand à Vienne, et qu’il abordait pour sa présentation française en revenant à l’original comme une histoire de famille au bord de l’explosion où l’intrus se révèle l’élément révélateur et perturbateur du malaise qui y règne. Jubilatoire.

Et nous assistons à la fissure de ce socle fragile où le patriarche, Orgon, s’en remet à un homme providentiel jusqu’à en perdre tout discernement et où chacun des membres devient alors la cible collatérale se trouvant pris dans la tourmente de ses propres obsessions : la raison, la passion, le péché, la culpabilité, le désir, la jalousie.

La mise en scène affûtée de Luc Bondy qui offre un nouveau regard sur l’oeuvre donne toute sa mesure au questionnement soulevé par ce Tartuffe transposé au XXI siècle et à cette situation d’emprise qui voit un homme profiter de la fêlure d’un autre pour en abuser et le manipuler à sa guise. Portée par des acteurs aussi inventifs que captifs jusque dans leurs corps pleinement investis, elle cristallise les ressorts intimes et familiaux qui facilitent l’imposture.

[…] un nouveau regard sur l’œuvre […]

Le plateau s’ouvre sur un vaste intérieur à la beauté glaçante et troublante de Richard Peduzzi dont la hauteur des murs laissent entrevoir un couloir à l’étage avec des chambres et où défilent les personnages dans un instant de repli. Au sol, un damier noir et blanc qui parcourt une grande pièce centrale décorée de meubles de choix, de têtes de cerf, d’un crucifix, d’une vierge en céramique, et de lourds rideaux de velours qui tantôt s’ouvrent ou se ferment pour une redistribution de l’espace.

Yasmine Nadifi, Micha Lescot, photo de répétition, 2014 © Thierry Depagne

Cette représentation clinique de la maison d’Orgon, lieu assiégé par le faux dévot Tartuffe, installe avec un seul regard tout l’enjeu dramatique des protagonistes et leur déséquilibre entre étrangeté et déraison.

[…] des scènes saisissantes aux images marquantes […]

Madame Pernelle (Christiane Cohendy), chapelet en main égrené, assène ses reproches à toute la maisonnée dont elle critique sans vergogne la vie dissolue, leur opposant la sage conduite de Tartuffe, homme bienfaiteur devant l’éternel qu’Orgon a recueilli chez lui. Convoitant la fortune, les biens, ainsi que la femme de son hôte, l’hypocrite imposteur réussit si bien à le manipuler qu’il se voit proposer d’épouser Mariane (Victoire Du Bois), la propre fille d’Orgon (Samuel Labarthe). Décidée à agir afin de prouver à son mari l’imposture du malotru, Elmire (Audrey Fleurot) le piège et le confond, mais entre temps ce dernier se sera déjà emparé de tous les biens d’Orgon et aura déjà assouvi presque tous ses vices.

De cette œuvre foisonnante, monument d’intelligence, dans la sagacité et la finesse de l’analyse des comportements humains, Luc Bondy se focalise sur le processus et les enjeux de la manipulation dont il met à jour à travers aussi les non-dits, l’état de frustration, d’aveuglement et de délitement de la famille qui a contribué à l’intrusion et au déploiement du corps étranger. Elle donne lieu à des scènes saisissantes aux images marquantes où chacun se débat face au trouble et à l’envoutement du prédateur.

Toute la distribution est au diapason où Micha Lescot notamment s’empare avec une aisance diabolique et inquiétante de son personnage trouble tandis qu’Audrey Fleurot se montre intense en femme à la fois forte et déstabilisée. Quant à Orgon (Samuel Labarthe), il est d’une présence désarmante entre l’affirmation de son statut de chef de famille et son aveuglement à son gourou sans oublier Chantal Neuwirth (Dorine) drôle et touchante.

Un drôle de clan pour une grande famille d’acteurs.

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Dates : du 28 janvier au 25 mars 2016 l Lieu Aux ateliers Berthier (Paris)
Metteur en scène : Luc Bondy

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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