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« Thyeste » l’astre noir et glaçant qui marqua le Festival d’Avignon en 2018, est à (re)découvrir

"Thyeste" un astre noir et glaçant

« Thyeste » de Sénèque, traduction de Florence Dupont, mise en scène Thomas Jolly – Thyeste © Jean-Louis Fernandez

« Thyeste » un astre noir et glaçant qui marqua le Festival d’Avignon en 2018, est à (re)découvrir

Etoile montante de la scène contemporaine, Thomas Jolly a mis en scène des monstres politiques assoiffés de pouvoir et de cruauté : Henry VI marathon théâtral de 18 h (Molière 2015), Richard III, ou encore Eliogabalo, donné à l’Opéra Garnier la saison dernière.

« Thyeste » – l’une des pièces les plus radicales du répertoire sur fond de haine entre deux frères rivaux, d’infanticide et de cannibalisme, est à (re)découvrir à la fin de cet article en captation intégrale. Elle avait marqué l’ouverture du Festival d’Avignon en 2018.

Thomas Jolly en livre une version opératique spectaculaire, aussi furieuse que ténébreuse, en résonance avec cette tragédie vénéneuse où des enfants, victimes sacrificielles, convoquent l’humanité toute entière et sa déraison.

Le mal incarné

Atrée et Thyeste sont frères jumeaux. Tandis que le premier règne à Mycènes, le second tente de lui ravir le trône, n’hésitant pas à s’emparer du bélier d’or de la royauté avec l’aide de la femme d’Atrée, qu’il séduit. Il est chassé de Mycènes à cause de ce vol et de cet adultère. Mais la vengeance d’Atrée n’est pas assouvie. Feignant de vouloir se réconcilier avec son frère, il l’invite à sa table mais lui sert le plus abject des repas : la chair des fils de Thyeste qu’il a fait apprêter par ses cuisiniers. À la fin du repas, il lui révèle le sacrilège et ignore ses imprécations.

A l’abri d’une esthétique pop/rock, de lumières découpées au laser, d’effets visuels référencés et d’une ambiance sonore : métal/rap/électro qui électrise la violence sourde, Thomas Jolly déroule la tragédie et son impossible retour.

Une mise en scène spectaculaire 

Des moments forts égrènent la dramaturgie tels que l’arrivée de l’ancêtre Tantale sortant de terre à l’instar d’une rock star en costume de lumière, ou encore l’écoute du chœur antique scandé, entre slam et rap, sur fond de musique électro, en passant par le banquet funeste à la table infiniment longue et porteur de la malédiction des Atrides, dynastie marquée du sceau du meurtre, du parricide et de l’inceste.

Et le dramaturge traque sans répit le mécanisme qui transforme un héros, un homme avant tout, en figure démoniaque dont le mal absolu trouve ses racines dans la nature humaine et son dévoiement, faisant écho aux conflits fratricides d’aujourd’hui.

Le tout dans la traduction lumineuse et percutante de Florence Dupont qui aiguise chaque mot du philosophe, imprimant toute la démesure à cette infernale odyssée, et sans que la modernité de la mise en scène de Thomas Jolly ne dénature le texte, entendu admirablement.

Vêtu d’un saillant costume jaune, Thomas Jolly incarne avec aisance et beaucoup de justesse, le maléfique Astrée dont il rend palpable à travers le ressentiment intériorisé, la perversité, l’absolutisme irraisonné, tandis que de sa voix d’outre tombe, Annie Mercier est une impériale furie. Quant à Damien Avice, il est un Thyeste dévasté par la malédiction et son emprise mortifère. Bravo.

Captation intégrale jusqu’au 10/10/2020

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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