A war, une peinture glaçante et ultra-réaliste de la condition du soldat moderne
Avec A war, le réalisateur Tobias Lindholm filme la guerre dans sa plus implacable cruauté. Les soldats danois expédiés en Afghanistan patrouillent sans trop savoir pourquoi et s’inquiètent d’abord pour leur survie. Le constat est accablant. Pas de gentil ni de méchant dans ce conflit absurde, juste des victimes. Pilou Asbaek réalise une prestation mémorable en chef de section dépassé par les évènements. Un film âpre et haletant.
Pas d’effets spéciaux superfétatoires pour cette peinture du conflit afghan. Les expressions sont renfrognées et l’angoisse est palpable. Chaque pas peut déboucher sur une mine ou un tir sans sommation. Le spectateur frissonne avec les personnages. La jeunesse des belligérants tranche avec la brutalité des enjeux. La caméra colle au plus près de ces soldats professionnels obligés de combattre non par amour du drapeau mais parce que c’est leur job. Tuer ou être tué, le quotidien sans pitié fait s’effondrer les plus robustes. Le réalisateur fait ressortir la froide réalité : il n’y a ni méchants ni gentils, juste des victimes. Le soleil est accablant, les pas sont lents, les yeux sont plissés. La mission visant à pacifier l’Afghanistan s’enlise pour les troupes occidentales comme pour les troupes russes auparavant. Le sac de noeuds pose des questions au chef de troupe seul responsable des actes de sa section.
Le réalisateur met fort adroitement en rapport le quotidien du soldat avec celui de sa famille restée au pays. L’angoisse est partagée, le temps est long et monotone de chaque côté. Lorsque le drame accable le soldat et ses proches, le film quitte les plaines afghanes pour se concentrer sur le procès du soldat. Comment juger des actes militaires pris au coeur de l’action sous la pression des tirs ennemis ? Fort intelligemment, le film ne tranche pas et laisse au spectateur le soin de se faire son opinion. Ni tout blanc ni tout noir, le soldat a fait son travail, dans l’intérêt de ses coéquipiers et de la survie collective. Mais les dommages collatéraux sont là, incalculables et meurtriers. Qui condamner ? Le film sous-entend que les vrais coupables ne sont pas dans le box des accusés, ces décisionnaires qui envoient des soldats trop jeunes combattre à l’autre bout du monde… Le film est tragique et prend un recul habile pour ne pas juger mais surtout constater. Il n’y a ni vainqueur ni perdant dans des conflits aussi ubuesques.
Thomas Lindholm et Pilou Abaek se retrouvent après le crispant Hijacking et son équipage pris en otage par des pirates somaliens. Les plus assidus se souviendront également de ce fascinant R avec les deux mêmes maitres d’oeuvre. Le film dépeignait le destin tragique d’un jeune homme enfermé dans un quartier de haute sécurité aux côtés de criminels bien plus dangereux que lui. Le réalisateur aime faire frissonner et toucher directement à l’estomac. Sa science est impressionnante pour faire froid dans le dos avec tant de conviction. Ce A War est moins romanesque et plus viscéral. Nul doute que la collaboration entre le réalisateur et son acteur fétiche débouchera sur de nouveaux moments de grâce.
Loin de l’héroïsme de John Wayne ou de la folie de Coppola, A War offre une tranche de vie prenante dans le quotidien des soldats, de leurs familles et des civils. Une vision sans jugement mais pas sans conclusions. Si certains évènements font sursauter ou s’attrister de la folie des hommes, c’est que A War a atteint son objectif. Dépeindre la guerre sans fard ni parti pris.
Sortie : le 1er juin 2016
Durée : 2h00
Réalisateur : Thomas Lindholm
Avec : Pilou Absaek, Tuva Novotny, Dar Salim
Genre : Drame
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