Comtesse de Segur née Rostopchine invoque la faconde d’une auteure de légende
L’auteure des Petites Filles Modèles et des Malheurs de Sophie a beau être universellement lue et reconnue, son existence est beaucoup moins remémorée. C’est à ce manque que tente de remédier Bérengère Dautun seule en scène au Studio Hebertot dans une pièce émouvante visant à révéler les tourments d’une Comtesse de Ségur finalement assez méconnue. De la jeunesse russe à la vocation littéraire tardive en passant par un mariage décevant, la comédienne ne cache rien et se livre à un soliloque enflammé en forme d’hommage éblouissant.
Une confession à coeur ouvert
Bérengère Dautun n’a besoin que de son art consommé de l’éloquence pour captiver l’audience une heure durant. Elle invoque l’esprit de l’héritière de grande famille noble russe pour relater une existence longtemps contraire et retorse. C’est effectivement à partir de 55 ans que les mots se sont enchainés sur le papier pour des oeuvres rentrées dans la postérité et faire écho à sa propre enfance malheureuse auprès d’une mère lointaine et dénuée d’affection. Ses ouvrages marquent une rupture avec les modèles antérieurs de la littérature enfantine, ceux de Charles Perrault notamment. Chez la Comtesse de Ségur, le réalisme des descriptions de punitions sont sans complaisance, les serviteurs sont omniprésents et le vouvoiement est de rigueur. Mais avant cette évocation tardive à la littérature, c’est une vie entière qui est remémorée avec moult détails. Sofia Rostoptchina vécut une enfance sous le signe des guerres napoléoniennes avec un père gouverneur de Moscou, c’est lui qui libéra des prisonniers pour mettre le feu à la ville pour en chasser Napoléon et ses troupes. L’enfance solitaire auprès d’une marâtre sans tendresse précède un mariage compliqué avec Eugène de Ségur, époux volage qui la trompa notamment avec leur bonne. Ils ont tous deux huit enfants, lui vaque tandis qu’elle s’enferme avec leur descendance.
Une comédienne rayonnante
Bérengère Dautun se glisse dans la peau de la romancière avec une générosité rare dans ses expressions et ses effets. Tandis qu’un écran dans le fond de la scène projette des images significatives de l’existence de l’héroïne, elle déclame avec élégance un texte fouillé, alternativement drôle et poignant suivant le fil d’un parcours unique. Récemment présente dans le même Studio Hebertot dans un Compartiment Fumeuses partagé avec Sylvia Roux, Bérengère Dautun fait honneur à sa légende, elle qui fut notamment sociétaire de la Comédie Française de 1972 à 1997 et interprète gracieuse des plus grandes héroïnes de théâtre. Elle se plonge avec délice dans l’existence de la Comtesse de Ségur pour en exalter la profondeur de caractère et la grande culture. La comédienne prend visiblement un énorme plaisir à jouer, gratifiant l’audience de larges sourires et de répliques truculentes. Quand elle met en rapport l’époque de la comtesse et les temps actuels, c’est pour souligner la profusion des moyens de communication et la plus grande solitude qui en découle. La mise en scène de Pascal Vitiello place quelques meubles mais fait la part belle à la comédienne. Le texte de Joëlle Fossier se situe entre l’oeuvre épique et le ton intimiste de la confession, pour un spectacle vivifiant et émouvant.
La Comtesse de Ségur née Rostopchine ravit l’audience par l’implication de la comédienne et la joyseuté des aveux dispensés sur la scène du Studio Hebertot. Une pièce à découvrir au plus vite!
Dates : à partir du 25 avril 2017, du mardi à samedi 19h, le dimanche à 17h
Lieu : Studio Hebertot (Paris)
Metteur en scène : Pascal Vitiello
Avec : Bérengère Dautun