Une jeune fille doute de la continuité de ses études et préfère rentrer se ressourcer dans le cocon familial alors qu’une de ses sœurs est au centre d’un questionnement existentiel, revenir chez sa mère naturelle ou rester dans cette famille d’accueil pas comme les autres qui n’hésite pas à accueillir des enfants et à leur donner de l’amour. La BD décortique le système des familles d’accueils volontaires en Belgique, dans ses avantages mais aussi ses inévitables impasses avec une belle démonstration de sentiments vrais et sincères, donc compliqués.
Une BD au réalisme doux-amer
L’auteure Tiffanie Vande Ghinste puise dans son expérience personnelle de sœur d’accueil pour raconter une histoire intimiste empreinte d’émotion et montrer la vie réelle de familles d’accueil où chaque cas est forcément différent. Car la bonne volonté et les efforts continus ne suffisent pas à toujours à pallier aux carences affectives et aux nombreuses fêlures psychologiques engendrées par les carences familiales historiques. Les enfants abandonnés sont pris en charge en Belgique par des familles d’accueil qui rivalisent d’attention et de prévention pour participer à la reconstruction de petits esprits abimés. L’histoire de Déracinée touche au cœur avec ses 2 parents qui se remettent constamment en cause pour ne pas faire dévier le navire de leurs efforts continuels dans le but d’apporter le soutien de tous les enfants escompté par les naufragés. Face à un père au four et au moulin et une mère à l’amour d’abordant, les enfants naturels ou accueillis, forment une tribu où les différences n’empêchent pas la vie en communauté. La jeune Soledad est particulièrement fragile émotionnellement suite aux errements de sa mère biologique, elle continue à rechercher son amour, désespérément. Le récit raconte également la difficulté du système pour gérer aux mieux des situations forcément compliquées, combien même le dévouement des familles, comme dans l’exemple de la famille de l’héroïne. Les 128 pages abordent différents sujets, avec art et didactisme, parfois aussi un peu de caricature, car même loin de la perfection, les agents du système n’ont pas des yeux traversant les murs pour savoir ce qui se passe dans les maisons, craignant d’identifier des abus et des situations de crise, même quand il n’y en a pas, hélas. Le dessin navigue entre réalisme et fantasmagorie, au cœur d’une nature luxuriante où se trouve juchée la maison assez inédite de cette famille, contribuant à son caractère unique.
Déracinée est une proposition de thèse à charge en faveur de tous ceux qui se débrouillent avec les moyens du bord pour dispenser de l’amour à ceux qui en ont besoin. Le récit doux amer n’en rajoute pas dans le pathos et trouve l’exacte mesure pour raconter une histoire aussi réaliste que touchante.
Synopsis: Bruxelles, 2012. Billie reçoit un appel de sa mère l’informant que la juge aux familles a décidé de rendre Soledad, sa sœur d’accueil, à sa mère biologique. Pour la famille, c’est tout à la fois un désaveu cinglant et surtout un drame car ils craignent pour la stabilité émotionnelle de Soledad. Sans hésitation aucune, la jeune femme abandonne la capitale belge et ses études de médecine pour revenir au sein du cocon familial, au beau milieu de la forêt, retrouver ses parents et ses 4 autres frères et sœurs. Son retour auprès de sa « tribu » sera bientôt suivi par celui de Soledad, déçue et traumatisée – une fois de plus – par le rejet de sa mère biologique. Si cette famille originale ne manque ni de charme ni de solidarité, ni d’originalité, chacun de ses membres se retrouve face à ses propres difficultés, que ce soit pour définir des choix de vie, pour se trouver une profession, ou pour continuer à croire en son rôle de parent d’accueil face aux aberrations d’une administration bornée…
Car le mal-être de Soledad, jeune adolescente tourmentée, se trouve amplifié par les événements récents, avec un sentiment d’abandon décuplé et l’impression de n’avoir sa place nulle part, pas même dans sa famille d’accueil. Autour d’elle, la tribu tente de faire front et de l’apaiser. Mais c’est sans compter sur l’obstination et l’aveuglement d’un trio d’assistantes sociales au rôle de quasi sorcières maléfiques… S’inspirant de son expérience en tant que sœur d’accueil, Tiffanie Vande Ghinste livre ici un récit intimiste empreint d’émotion et de poésie sur le quotidien des familles d’accueil, marqué autant par les défis à relever que par la richesse des relations et l’intensité des moments de joie…
Editeur: La Boîte à bulles
Auteurs: Tiffanie Vande Ghinste
Nombre de pages / Prix: 128 pages / 20 euros