Free to Run, un documentaire sportif au féminin de Pierre Morath au Festival 2 Valenciennes
Free to Run est un film documentaire de Pierre Morath centré sur la course. On ne peut pas courir en robe ou en jupe. Comment devenir champion avec des talons hauts ? Et puis les cheveux bordel, les cheveux dans les yeux ! Les filles ne peuvent pas courir. En tout cas, pas comme les garçons. Qu’elles courent dans leur jardin, mais qu’elles laissent aux hommes, aux mâles, la piste rouge des stades.
Il y a cinquante ans, ce genre de propos serait normal, et absolument pas dégradant. La course à pied était il y a un demi siècle une pratique uniquement masculine. Et en plus d’être une discipline virile, elle devait être encadrée par une structure sportive. Faire son jogging ou courir librement dans les rues, les parcs, sur les routes étaient des activités mal perçues. Court, le fou !
La course à pied était il y a un demi siècle une pratique uniquement masculine.
On ne courrait pas dans les parcs le week-end. Les hommes foulaient la terre battue en suivant des règles strictes, sous le joug d’un coach trop bruyant et de l’institution d’athlétisme. Aujourd’hui, la course à pied n’est plus uniquement une affaire de club et de performance, mais elle se retrouve partout. Hommes, femmes, enfants, personnes âgées, tout le monde court ! Le documentaire Free to Run de Pierre Morath montre comment la course à pied est passée d’une pure activité physique institutionnelle réservée aux hommes, à une foulée militante, une foulée libre.
L’équipe du documentaire a mis huit ans pour donner naissance au film. Quand les financements se sont trouvés, c’était parti. Il a fallu chercher une quantité incroyable d’images d’archives, trouver les premiers joggeurs de New York, organiser des entretiens avec des paires de jambes légendaires de l’histoire athlétique. Et le résultat est surprenant. Ce n’est pas simplement un documentaire sur la course. C’est autre chose. C’est une démonstration : l’homme court pour être libre. Nombreuses personnes le disent, on ne court par pour la perf, mais pour le principe. La sensation des kilomètres avalés soigne le corps et l’esprit.
Free To Run est une bouffée d’air frais.
Les femmes n’étaient donc pas autorisées à courir dans des clubs, et étaient mal vues si elles courraient seules. Pourquoi ? L’homme explique : « Nous, nous sommes des beaux gosses, biceps ok, cuisses monstrueuses, gueules sympa. Imaginez les courbes d’une frêle femme détruites par le sport ! Elles ne peuvent être viriles ! ». Le mâle ne veut pas voir le féminin courir. Mais cette vision étriquée sera vivement combattue par des fortes têtes comme Kathrine Switzer, première femme à montrer que l’homme n’est pas le seul à pouvoir parcourir un marathon sans mourir, ou comme Fred Lebow, qui va populariser la course à pied à New York en créant la course reine, le marathon de New York, et notamment permettre aux femmes d’avoir un marathon destiné (ce qui permettra l’entrée de la discipline femme aux Jeux Olympiques). Et d’autres encore !
Free To Run est une bouffée d’air frais. Même si il y a quelques longueurs, le documentaire n’en reste pas moins quelque chose de fichtrement réussi, profondément sensible, et lourd de sens.
Sortie : le 13 avril 2016
Durée : 1h39
Réalisateur : Pierre Morath
Avec : Philippe Torreton
Genre : Documentaire