Le jeu de l’amour et du hasard, une pièce badine reprise à la mode d’aujourd’hui au Lucernaire
Jouée en 1730 pour la première fois, Le jeu de l’amour et du hasard est la pièce la plus représentée de Marivaux. Salomé Villiers s’est essayée à une nouvelle mise en scène au théâtre du Lucernaire.
Orgon souhaite marier sa fille, Silvia, à Dorante, bon parti dit-on, fils d’un ami. Mais Silvia avant de se décider, veut s’assurer des qualités de ce possible mari. A cette fin, elle va prendre les habits de sa servante, Lisette, pour observer son prétendant en secret. Dorante, de son côté va user du même subterfuge et emprunter l’identité de Bourguignon, son servant, qui récupérera donc le rôle du maître. C’est dans cette configuration que Le faux Dorante et le faux Bourguignon toquent à la porte d’Orgon. Cette machination dont tout le monde sera dupe à l’exception d’Orgon et de son fils, Mario, qui alertés vont s’en délecter, va engendrer une suite de situations cocasses et légères sur le ton de l’amour déçu ou passionné.
L’extravagance et la fausse perversité de Mario lui sied à merveille.
Assis dans une salle sombre du Lucernaire, le décor tout de verdure et de couleurs vives nous transporte au soleil. Les costumes également qui rivalisent de teintes colorées. C’est gai à la Marivaux. Mais un Marivaux transposé à notre époque : transats, tenues, chaussons saugrenus, quelques expressions modernes subrepticement rajoutées au texte original – car après vérification, « sans rancune » n’était guère utilisée ! Un mélange réussi d’hier et d’aujourd’hui. Pour l’aujourd’hui, il y a également cet écran qu’ils déroulent à plusieurs reprises au centre de la scène permettant de briser l’unité de lieu, de faciliter la compréhension et l’avancée de l’histoire. Original et bien pensé, un bémol cependant : certains acteurs sont passés chez le coiffeur entre l’enregistrement de la vidéo et la représentation de la pièce.
Parlons personnages : ils sont excessifs et c’est un plaisir. L’extravagance et la fausse perversité de Mario lui sied à merveille. Le père, heureux béat à l’acquiescement facile, est charmant. Dorante et Silvia portent la charge tragique de la pièce mais sont toujours comiques malgré eux. Et Bourguignon avec sa dégaine de campeur sur dancefloor et sa Lisette vite adorée sont réjouissants. Un casting sans fausse note.
Les dialogues sont vifs, appuyés sur la langue facétieuse et spirituelle de Marivaux et un enthousiasme de jeu communicatif. Un enchaînement de répliques et de scènes parfois trop rapide qui peut faire perdre le sens du dialogue et de ses subtilités. Quelques longueurs également sur la fin où l’on souhaiterait que le dénouement ne s’attarde pas davantage. Des critiques mineures qui n’enlèvent rien à la qualité d’une pièce divertissante qui mérite le détour.
Dates : du 6 avril au 4 juin 2016 Lieu : Au Lucernaire (Paris)
Metteur en scène : Salomé Villiers l Avec : Salomé Villiers, Raphaëlle Lemann, Philippe Perrussel, Bertrand Mounier, François Nambot et Etienne Launay