La dure vie d’artiste dans Alberto Giacometti, The Final Portrait
Du visage d’Alberto Giacometti, le grand public ne connait que ces photos montrant un visage buriné surmonté de cette épaisse et sombre touffe de cheveux noirs. Si ses oeuvres ont fini depuis longtemps de s’imposer tout en haut sur le marché de l’art, peu connaissent son existence et son caractère de cochon mal luné. Le film Alberto Giacometti, the Final Portrait offre une plongée fascinante dans le quotidien haut en couleurs d’un artiste totalement dévoué à son art, sans compromis dans le déroulement de sa vie tant il lui semblait voir de l’inspiration partout. Geoffrey Rush campe magnifiquement l’artiste pour un film comme une plongée dans le monde artistique dans une belle mise en abime artistique.
Un artiste total
Dans un Paris fantasmé en 1964, Alberto Giacometti invite l’écrivain américain James Lord à se faire tirer le portrait. Si certaines rues du film ressemblent plus à celles de Londres qu’à celles de Paris, l’esprit bohème de la ville lumière est parfaitement restitué. La demeure du peintre et sculpteur italien ressemble à un fourre tout où les oeuvres en cours, terminées ou abandonnées prennent toute la place. La crasse côtoie les pinceaux et les tubes de peinture dans un dénuement trompeur. Car la côté de l’artiste est déjà au plus haut, l’argent afflue mais lui ne voit pas le confort ou le désordre de son intérieur, sa vision est celle d’un artiste placé bien au delà des contingences matérielles. Geoffrey Rush mélange italien, anglais et français pour s’adresser à son frère Diego, son épouse Annette et au pauvre modèle James Lord. Armie Hammer prête ses traits à celui qui doit indéfiniment reporter son retour à New York par la faute de l’artiste qui reprend incessamment son portrait, raturant et recouvrant de peinture le visage du modèle jour après jour. Le réalisateur Stanley Tucci habituellement surtout acteur se met en quatre pour faire ressentir l’exigence de Giacometti pour son oeuvre et pour lui-même, n’hésitant pas à détruire ses oeuvres par pure et souvent inexplicable insatisfaction. Le film donne l’impression d’être joué en live tant les expressions et l’agitation paraissent réelles et improvisées. Pourtant, et c’est tout l’intérêt du film, c’est surtout l’art des acteurs et du réalisateur qui concourent à ce captivant film qui s’offre comme une plongée sans filet dans l’esprit tourmenté de l’artiste. En perpétuelle quête de splendeur picturale, Giacometti essaye, sent qu’il se trompe, recommence, inlassablement et surtout bruyamment. Les interjections abondent comme des reflets déformants d’un esprit qui va trop vite pour le monde réel. Et face à lui Armie Hammer incarne le personnage qui doit se plier aux exigences du peintre, jusqu’à ressentir somatiquement les stigmates physiques de la tempête sous son crâne. Le film se vit comme un trip artistique plein d’exultation et de fureur, c’est proprement stupéfiant.
Alberto Giacometti, The Final Portrait est passé quelque peu inaperçu dans le paysage des critiques cinématographiques, et c’est bien dommage tant le film enivre le spectateur par ce voyage fantastique dans l’art du XXe siècle. Un film à découvrir au plus vite, s’il passe encore près de chez vous.
Paris, 1964, Alberto Giacometti, un des plus grands maîtres de l’art du XXème siècle, invite son ami, l’écrivain américain James Lord, à poser pour un portrait. Flatté et intrigué, James accepte. Cela ne devait prendre que quelques jours mais c’était sans compter sur le perfectionnisme et l’exigence du processus artistique de Giacometti…
Sortie : le 6 juin 2018
Durée : 1h34
Réalisateur : Stanley Tucci
Avec : Geoffrey Rush, Armie Hammer, Tony Shalhoub
Genre : Comédie dramatique, Biopic
https://www.youtube.com/watch?v=htwf1s7yOdM