La petite fille sur la banquise, la révélation universelle d’Adélaïde Bon (Grasset)
Adélaïde Bon vient d’écrire son premier livre : La petite fille sur la banquise. Elle le dédie, entre autres, à toutes les victimes de violences. Dans ce livre, l’auteure raconte sa vie, sans s’apitoyer sur son sort. Avec beaucoup de classe, et une grande dignité.
Effondrement à 9 ans
Tout au long des pages, Adelaïde essaie de comprendre ce qu’il se passe dans son corps. Son corps va mal, et ce, depuis des années. « Dans le ventre, j’ai des méduses ». Et ces horribles méduses la torpillent à tout moment. A l’intérieur de son corps. Rien de visible. Mais tellement imprévisibles et douloureuses.
AdélaÏde Bon a été violée à l’âge de 9 ans. A l’époque on ne parle que de violences sexuelles. Ce n’est que 18 ans plus tard qu’elle comprendra qu’elle a été victime de viol, avec pénétration digitale.
La littérature comme prise de conscience
Car l’auteure n’a pas peur des mots. Elle explique tout. Toute l’horreur qu’elle a vécue, suivie d’amnésie traumatique. Elle raconte aussi son parcours au sein de sa propre famille, avec ses amoureux, puis avec son mari. Que de relations compliquées. Mais pourquoi donc se sent-elle si nulle, si moche, si sale ?
Impossible de lire La petite fille sur la banquise de façon anodine. Quand on sait qu’un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles, on se doit de lire ce livre. Pour mieux comprendre. Pour mieux les écouter. Pour ne rien banaliser. Pour savoir le calvaire vécu par ces victimes. Bien sûr la lecture est difficile, voire certains passages insupportables. Mais ce n’est rien par rapport à ce que l’auteure a vécu, à ce que les victimes vivent encore aujourd’hui.
Ce livre, La petite fille sur la banquise, devrait tirer une sonnette d’alarme de façon à ce que soit pris au sérieux toute agression sur un enfant. Rien n’est anodin. Tout laisse des traces. Et de mettre des mots sur des maux, de les dénoncer permet de guérir et d’avancer.
Un grand bravo à Adélaïde Bon qui a eu le courage de partager avec nous son horreur, son cauchemar, à l’aide d’une écriture époustouflante de justesse.
https://www.youtube.com/watch?v=m9ZvGmqcfoY
Après, la confusion.
Année après année, avancer dans la nuit.
Quand on n’a pas les mots, on se tait, on s’enferme, on s’éteint, alors les mots, je les ai cherchés. Longtemps. Et de mots en mots, je me suis mise à écrire. Je suis partie du dimanche de mai et j’ai traversé mon passé, j’ai confronté les faits, et phrase après phrase, j’ai épuisé la violence à force de la nommer, de la délimiter, de la donner à voir et à comprendre.
Page après page, je suis revenue à la vie. »
A. B.
Quand ses parents la trouvent en pleurs, mutique, Adélaïde ignore ce qui lui est arrivé. Ils l’emmènent au commissariat. Elle grandit sans rien laisser paraître, adolescente puis jeune femme enjouée. Des années de souffrance, de solitude, de combat.
Vingt ans après, elle reçoit un appel de la brigade des mineurs. Une enquêtrice a rouvert l’affaire dite de l’électricien, classée, et l’ADN désigne un cambrioleur bien connu des services de police. On lui attribue 72 victimes mineures de 1983 à 2003, plus les centaines de petites filles qui n’ont pas pu déposer plainte.
Au printemps 2016, au Palais de justice de Paris, au côté de 18 autres femmes, Adélaïde affronte le violeur en série qui a détruit sa vie.
Avec une distance, une maturité et une finesse d’écriture saisissantes, Adélaïde Bon retrace un parcours terrifiant, et pourtant trop commun. Une lecture cruciale.