L’agenda de Monsieur le prof, un livre détonnant (Flammarion)
Construit comme un véritable agenda, le livre de Monsieur le prof se propose de pénétrer dans la vie intime d’un drôle de professeur d’anglais qui ferait passer Docteur House pour un ange de bienveillance et de gentillesse. Monsieur qui au juste ? Tour à tour espiègle, moqueur et cynique, Monsieur le Prof s’est bâti une réputation de prof hors du commun à coup de phrases cinglantes et de photomontages hilarants. Pourtant, derrière la truculence de ce personnage virtuel se cache un réel désir de faire partager son expérience de professeur d’anglais en région parisienne, quitte à démolir certaines idées reçues trop souvent reprises sur le métier d’enseignant.
Bande dessinée et/ou journal intime
L’ouvrage, à mi-chemin entre une bande dessinée et un journal intime, se présente comme une sorte d’agenda scolaire dont la structure classique aurait volé en éclat. Depuis le 29 aout jusqu’au 30 juin, on suit le quotidien d’un prof d’anglais dont le caractère semble être plus proche de celui du mauvais élève – le cynisme et l’autodérision en plus. Doté d’une très belle mise en page signée Enora Chamiot-Poncet, l’agenda de Monsieur le prof finit par ressembler à un véritable herbier scolaire dans lequel l’enseignant fictif viendrait y coller tous les documents (bulletins scolaires, petits mots d’élèves, photocopies d’interrogations) glanés en cours. Les différents jeux sur la typographie, les caricatures de Monsieur le Prof de ses propres élèves (on y apprend notamment qu’il réalise une « Élection des Souffre-douleur de l’année ») donnent à l’ensemble de l’ouvrage un caractère hétéroclite et singulier, dont le principal intérêt réside toutefois dans l’humour corrosif de son auteur.
Humour, toujours !
Ceux qui connaissent déjà Monsieur le Prof seront heureux de retrouver son humour tantôt acide (« À connaître par cœur ! Sinon je viendrai chier dans tes draps. ») et tantôt franchement désespéré (« Tu veux être la raison numéro 1 de ma dépression, c’est ça ? »), tandis que les autres auront le plaisir de faire sa découverte, à condition toutefois d’être réceptif à ce type d’humour. L’humour de Monsieur le Prof se situe en effet à mi-chemin entre ceux de Didier Super et de David Lodge, une sorte de mauvaise foi permanente doublée d’un sens de l’observation et de la formule qui font souvent mouche (« – Pff J’m’en bats les couilles. – Alors bats-les un peu plus fort, histoire que je n’ai pas à enseigner à ta descendance. »). Après s’être illustré brillamment dans le genre dramatique avec un premier roman beaucoup plus sombre (Point Final, de William Lafleur qui est, en fait, un pseudonyme de Monsieur Le Prof…), Monsieur le Prof prouve avec son agenda qu’il sait manier les styles d’écriture avec une facilité et une virtuosité déconcertantes.
Au fond, la voix anonyme de Monsieur le prof n’est rien d’autre que le petit diablotin, la mauvaise conscience collective du corps enseignant qui déciderait un beau jour de faire disparaître toute trace d’autocensure. Quel prof n’a jamais insulté mentalement ses élèves ? Qui n’a jamais jubilé à l’idée de leur imposer une interrogation surprise ?
En nous faisant adopter le point de vue d’un prof tyrannique dont on se doute bien qu’il est aux antipodes du véritable professeur caché derrière ce pseudonyme, Monsieur le prof nous propose un regard neuf teinté de fausse méchanceté sur un monde que nous nous sommes bien souvent efforcés d’oublier : le collège. Son ouvrage, avec sa verve et son humour ravageur, s’adresse ainsi à tous les lecteurs qu’un retour au collège n’effraie pas. Une bonne dose d’humour nécessaire à affronter un ennemi bien réel : la rentrée.
Date de parution : le 24 août 2016
Auteur : Monsieur Le Prof
Editeur : Flammarion
Prix : 12 €
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