Le réalisateur grec Costa-Gavras est habitué à ruer dans les brancards en abordant des sujets polémiques à chacun de ses films. Adults in the room dissèque les négociations internationales entre les gouvernants d’un pays exsangue, la Grèce, et les représentants d’instances désireuses de voir le pays rembourser sa dette quel qu’en soit le prix pour la population. Sujet d’actualité, traitement hyper réaliste du sujet et révélations des arcanes d’une âpre bataille où à la fin tout le monde gagne, sauf la population.
Une plongée passionnante dans la réalité
Costa-Gavras fait replonger quelques années en arrière. En 2015, la Grèce n’a plus d’argent. La crise internationale de 2008 a forcé les différents gouvernements successifs à appliquer un traitement de rigueur qui a fait fuir les jeunes, fermer les commerces et affaiblir l’économie. Quand un nouveau gouvernement de gauche arrive au pouvoir porté par la promesse de rétablir les situations économiques et sociales, le plus dur est pourtant à venir. Car le ministre de l’économie et des finances Yanis Varoufakis (Christos Loulis) se rend vite compte que le pays est au centre d’un vaste chantage à la dette avec des interlocuteurs qui ne s’intéressent pas une seule seconde au sort d’une population qui doit faire face à une multitude de turpitudes. Baisse des salaires et des retraites, fermeture des commerces de proximité et économies à tous les étages. Costa-Gavras met en rapport les promesses de campagne du candidat Alexis Tsipras (Alexandros Bourdoumis) et le principe de réalité. Le film enchaine les focus sur des débats sans fin où Christine Lagarde (FMI), Mario Draghi (BCE) et Wolfgang Schäuble (ministre de l’économie allemande) s’efforcent de faire plier un Yanis Varoufakis un peu vert pour ce niveau de politique proche du machiavélisme. Avec son jean, sa chemise sortie et son sac à dos, il détonne face à des interlocuteurs toujours très poker face, lui qui parle perspectives sociales face à des interlocuteurs qui se concentrent uniquement sur le remboursement de la dette. Le réalisateur a choisi des acteurs de chaque nationalité pour interpréter les différents belligérants, et c’est bien des grecs qui font face à des allemands, italiens, français ou anglais au coeur d’interminables et passionnantes joutes oratoires. Le film interroge sur le fossé croissant qui se creuse entre intérêts sociaux et intérêts économiques. Les 2 heures du film font alterner coups d’éclats et rebondissements avec toujours la population grecque en arrière plan. Elle apparait en silence devant le ministre de l’économie pendant qu’il explique ses avanies dans un restaurant. Pas un mot, juste des regards et une chape de plomb censée lui rappeler comment il est arrivé à son poste et ses devoirs vis-à-vis des électeurs. Christos Loulis est le personnage principal du film, ministre cool et accessible mais rugueux face à ses interlocuteurs internationaux. Si le film est forcément romancé, il donne tout de même une très bonne idée du sac de nœuds que sont les tractations internationales entre un pays obligé de plier l’échine face à l’intransigeance de partenaires uniquement intéressés par leurs intérêts à eux. Le film n’a pas eu le retentissement qu’il aurait mérité, lui qui traite sans faux semblants d’une réalité bien plus complexe que les sourires télévisuels et les promesses électorales pourraient laisser espérer.
Costa-Gavras montre le jeu de négociations uniquement destinées à faire ployer un pays déjà à genoux, avec coups de bottes dans la nuque et fermeture totale des négociations. C’est aussi glaçant que plausible. Cet Adults in the room sort en DVD/Blu-Ray/VOD le 25 mars 2020, le bon moment de ratrapper un film nécessaire dans notre époque si chaotique.