Michel Butor est mort, et si on lisait Hugo ? (éd. Buchet Chastel)
Ce sont ses mots issus d’une œuvre pléthorique mais aussi ceux des autres qui resteront de son passage sur terre. Ainsi, dans le dernier livre que Michel Butor a signé, il s’efface devant plus grand. Hugo (éd. Buchet Chastel) est une anthologie du célèbre poète aux plus de cent mille vers. De ce monstre sacré, il a fouillé les tiroirs pour nous faire découvrir quelques morceaux moins connus de son talent, de ses poèmes, de ses romans…
Michel Butor est un aventurier littéraire qui, toute sa vie d’écrivain, n’a cessé d’expérimenter. Chaque œuvre doit être unique et aucune ne doit ressembler à la suivante. En 1957, il publie un roman étonnant, un monologue intérieur entièrement écrit à la deuxième personne du pluriel, La modification. L’histoire est anodine : un homme part à Rome retrouver sa maîtresse pour lui proposer une situation à Paris mais, pendant les vingt-deux heures de trajet en train qui constituent l’essentiel du livre, sa décision va peu à peu s’inverser. L’intrigue est sommaire voire inexistante mais le résultat est excellent. Son travail paye : il reçoit le Prix Renaudot.
Michel Butor : une passion masochiste
Très vite cependant, il se détourne du genre roman trop « étroit », il a besoin de plus de liberté. Poèmes, essais, livres-objets, récits de rêves et de voyages, écrits sur la peinture… il aura tout essayé, tout inventé jusqu’aux limites de son art.
Et même lui n’en revient pas : « Je suis étonné de ce que j’ai écrit » confesse-t-il récemment. Etonné de toutes les formes que son style a su adopter mais aussi de la densité de sa production alors qu’il a « beaucoup de mal à écrire », de son propre aveu. Mais alors, pourquoi a-t-il embrassé cette carrière ? Parce qu’écrire était une « passion un peu masochiste » et que sans elle, sa vie aurait été bien terne.
Sur ce qui s’édifie et ce qui se détruit,
Laissons rouler du temps, du gouffre et de la nuit
(Extrait de l’anthologie de Michel Butor sur Victor Hugo)
A 89 ans d’une vie professorale et littéraire, il s’est éteint et assurément, il n’aura pas eu le temps de s’ennuyer. Grand voyageur, il a connu la Suisse, l’Egypte, les Etats-Unis, l’Australie, le Mexique et tant d’autres pays. Grand travailleur, ses publications se comptent par centaines. Grand homme, oscillant entre l’espoir et le pessimisme, il écrivait pour changer la vie car il trouvait qu’elle n’était pas si belle, que les choses n’allaient pas si bien. A nous peut-être de prendre le relai. En le lisant, en écrivant bref en faisant. Michel Butor n’est pas mort… Et si l’on commençait par son dernier livre, Hugo.
Michel Butor a fouillé, remué les vieux cartons du grenier hugolien qui regorge de surprises, livrant au lecteur de longs extraits, souvent inattendus, et même quelques dessins.
« Il en fait trop : non seulement le théâtre, mais le roman, non seulement les invectives, mais les chansons, les petites épopées, mais le promontoire du songe ; non seulement la littérature mais le dessin. Il finira par nous prendre toute la place ! »
Dans la vie d’un lecteur, certains auteurs occupent une place à part : lectures inaugurales, compagnons de tous les jours, sources auxquelles on revient. La collection « Les auteurs de ma vie » invite de grands écrivains contemporains à partager leur admiration pour un classique, dont la lecture a particulièrement compté pour eux.
Date de parution : le 3 mars 2016
Auteur : Michel Butor
Editeur : Buchet/Chastel
Prix : 12 € (208 pages)
Acheter sur : Amazon