Le mystère Phantom Thread
Paul Thomas Anderson aime créer des univers de toutes pièces avec ses profils psychologiques compliqués et ses situations sinueuses. Pas de facilité ni de raccourcis, les pièces du puzzle doivent être remises en place et le spectateur n’a que quelques pistes pour s’y retrouver. Phantom Thread ne déroge pas à la règle avec son personnage de couturier en plein noeud oedipien, écartelé entre une mère morte mais omniprésente, une soeur surprotectrice et une petite amie qui tente de trouver sa place. Le film sent légèrement la naphtaline des année 50 avec son ambiance vaporeuse et ses mines compassées. Le voyage dans le temps tient ses promesses pour peu que l’on accepte la poussière et les us d’un autre temps. Pour les autres, le temps semblera légèrement long…
Une plongée dans le temps
Daniel Day Lewis se fond une fois de plus dans la peau d’un personnage tout droit sorti de son imagination et jamais vu auparavant. Vieilli, rachitique et robotique, Reynolds Woodcock répète toutes ses journées sur le même rythme avec ses rituels immuables et son incessante exigence. Le Londres des années 50 sent bon l’Angleterre victorienne de la fin des années 1900 avec ses règles strictes et ses évidences que les années 60 n’ont pas encore remises en cause. Le personnage n’accepte la compagnie féminine qu’à dose comptée, idéalisant sa mère et se reposant sur sa soeur dénommée du sobriquet affectueux My Old So and So. Mais quand il s’éprend de la jeune et belle Alma (Vicky Krieps), Reynolds s’attend à ce qu’elle se fonde dans son univers, celui institué par sa mère et maintenu par sa soeur. L’époque change, les moeurs évoluent et le personnage d’Alma représente une vague qui va tout submerger sur son passage. Paul Thomas Anderson empreint tout son film d’une fine couche de vernis surannée. Poussière et naphtaline ressortent à l’écran jusqu’à piquer les narines et indisposer certain. La musique concourt à cette atmosphère de Rome Antique avec ses statues immobiles figées dans un temps infini. Le résultat est visuellement éblouissant mais le scénario très linéaire et la mise en scène pointilleuse à l’excès rend le film un peu lointain, se coupant des spectateurs pour s’installer dans une bulle de cendres pas encore retombées. Daniel Day Lewis s’évertue à créer son personnage mais sans l’intensité troublante de son personnage oscarisé dans There will be blood. Trop de raideur, trop de conventions et pas assez de bigger than life. L’exercice de style finit par ennuyer par sa sinueuse récurrence et la triplette de personnages ne parvient pas à captiver totalement, faute de variations.
Phantom Thread est aussi compassé que son affiche est stylisée. Richesse et opulence semblent un tombeau dans lequel sont irrémédiablement enfermés des personnages qui s’inventent des rituels pour exister. Sadomasochisme et relations de servitude évoluent tout au long du film mais sans vraiment toucher.
Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa soeur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.
Sortie : le 14 février 2018
Durée : 2h11
Réalisateur : Paul Thomas Anderson
Avec : Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville
Genre : Drame