Qui ne dit mot consent, un terrible huis-clos (Mercure de France)
Alma Brami nous livre son dernier roman, le septième, Qui ne dit mot consent. On pourrait croire que le titre est suffisamment explicite. Mais en fait, non ! On ne peut imaginer le terrible huis clos dans lequel nous plonge l’auteur.
Des mots qui font mal
Quand vous lisez la première phrase, vous ne comprenez pas vraiment tout ce qu’elle sous-entend : « Sabine aurait aimé que mon mari ne soit qu’à elle. »
Par l’analyse grammaticale de la phrase, vous savez que Sabine, le sujet, aime « mon mari », COD, qu’elle ne veut qu’à elle. Mais le problème est que le COD est un mari ! Donc, un homme marié ! Et qui parle ? La femme du fameux mari !
Bon, ça y est, vous avez compris ? Emilie est marié avec Bernard. Ils ont deux enfants. Sabine est une des maîtresses de Bernard. Car Bernard a plusieurs maîtresses, bien entendu. Et il les ramène toutes chez lui, c’est-à-dire, chez eux, dans leur maison à la campagne. En fait, il les présente toujours comme de « nouvelles amies » pour Maman ! Et Emilie ne dit rien à la grande exaspération de sa fille. Elle subit les extravagances de son mari qui lui assure n’aimer qu’elle. Emilie aime son mari, inconditionnellement. Et elle endure ses folies adultérines, sans rien dire, ou presque rien. De peur de le perdre complètement.
Histoire tout à fait probable
Il disparaît d’une heure à l’autre et quelquefois pendant plusieurs jours. « J’ai besoin de faire le point, de me recentrer » assure-t-il. p.68
« Après Elsa, je pensais que ce serait fini. Mais à chaque début d’hiver, j’avais droit au cérémonial de la bouteille jetée à la mer, et de la nouvelle amie pour Maman. » p.74
Le huis clos terrible qui se passe sous nos yeux nous plonge dans un abîme sans fonds. La plume d’Alma Brami est d’une finesse et en même temps d’une lourdeur qui nous met mal à l’aise. Ses nombreuses répétitions quant aux discours de Bernard et ses actes qui s’enchaînent de façon malsaine et inéluctable renforcent ce sentiment désagréable d’extrême perversion. Jusqu’où ira Emilie ? Cette question on se la pose davantage que jusqu’où ira Bernard ? Car à la limite, Bernard, le grand manipulateur, on préfèrerait l’oublier, qu’il n’existe pas. Et Emilie, on se met tellement à sa place. On voudrait tellement la sauver… On aimerait tellement qu’elle réagisse… On repense au titre terrible et si bien choisi : Qui ne dit mot consent.
« Mon mari me rapportait ses proies, comme un chat victorieux qui dépose aux pieds de son maître un oiseau, un lézard ou un mulot. » p.75
L’adultère est une chose mais ce que décrit Alma Brami est tout autre. Il faut lire ce roman pour plonger au cœur de la complexité de l’âme d’une femme amoureuse et en même temps au centre de violences conjugales que l’on espère peu communes. Un seul conseil : commencez ce livre en ayant du temps devant vous. Une fois commencé, vous ne pourrez plus le lâcher !
Qui ne dit mot consent : un véritable coup de cœur ! Un livre choc !
Sur le ton tragi-comique qui caractérise son oeuvre, Alma Brami nous entraîne au coeur d’une famille bien étrange. Oscillant entre le réalisme et le conte, elle dresse le portrait émouvant d’une femme meurtrie pour qui le couple est devenu un piège.
Date de parution : le 24 août 2017
Auteur : Alma Brami
Editeur : Mercure de France
Prix : 16,80 € (168 pages)
Acheter sur : Amazon