Une nouvelle édition augmentée du classique Eightball de Daniel Clowes sort aux éditions Cornélius le 15 février
On ne présente plus Daniel Clowes, icône américaine de la BD satyrique devenu l’égal de Robert Crumb ou Peter Bagge avec ses comics mettant en scène des personnages ordinaires en proie à d’incessantes névroses et frustrations diverses. C’est à l’envers du décor que l’auteur dessinateur s’intéresse, dépeignant ceux qui vivotent au coeur du rêve américain sans en sentir les réels bénéfices. L’ouvrage édité aux éditions Cornélius agrège 38 histoires courtes écrites entre 1989 et 1996 par un Daniel Clowes toujours en proie au doute comme il le montre lui-même dans ses drolatiques mises en abime. Et quand il imagine des personnages, ce n’est que pour mieux les croquer pour en dévoiler les fêlures cachées.
Un bijou satirique de la BD US
Pour cette anthologie, l’éditeur a choisi d’agrandir le format original pour clarifier les riches dessins ultra détaillés et les bulles abondantes de commentaires cyniques. Ceux qui connaissent la première édition de 2009 seront surpris par le changement de couverture mais Cornélius a choisir de densifier l’ouvrage avec 4 histoires supplémentaires jusqu’alors jamais publiées en France : Fairy frog, Velvet globe, Nature boy et Glue destiny. Depuis 1989 et le premier volume de Eightball paru chez Fantagraphics Books, de nouvelles histoires sont parues dans une série Eightball devenue culte, récompensée de nombreux Prix Harvey de la meilleure série BD. En crachant sa frustration à travers des histoires que l’on imagine à peine romancées, Daniel Clowes ouvre son coeur et met en scène son anticonformisme forcené. Une quarantaine de courtes histoires sont rassemblées dans un riche volume sous le titre Eightball, accumulant les témoignages de la versatilité d’un artiste profondément effronté via des épisodes de satire sociale ou des morceaux de bravoure potaches. Il n’y a pas de type de dessin particulier, l’auteur varie les N&B ou les couleurs selon les histoires et les personnages, détournant au passage les codes du comics pour mieux se les réapproprier.
L’American dream érigé en cible principale
Daniel Clowes prend pour cible tous ceux qui sont devenus des icônes du rêve américain, pour le meilleur mais surtout pour le pire. Intellectuels hautains, sportifs roublards, artistes frustrés, prolétaires défavorisés, chrétiens forcenés, satanistes stupides, hippies enfumés et puritains donneurs de leçon, l’auteur n’épargne personne pour une projection dérisoire d’un pays perdu dans ses multiples références sans avoir fourni des idéaux dénués de forfaiture à une jeunesse désaxée. L’auteur n’y va pas par le dos de la cuillère, exhortant le lecteur à une orgie de mépris, de vengeance, d’abattement, de désespoir et de perversion sexuelle. Si les lecteurs des années 90 se souviennent des histoires de David Boring et Ghost World avec ses personnages aliénés et mélancoliques, avec pour toile de fond le mal être adolescent et la difficulté du nécessaire passage à l’âge adulte, c’est parce que Daniel Clowes est devenu lui même une icône de la contre-culture américaine.
Cette anthologie Eightball permet de se replonger dans un monde de faux semblants tous battus en brèche par un auteur trop lucide pour se contenter d’un trop limité premier degré. La lecture est autant réjouissante qu’instructive, car oui, Daniel Clowes est peut être bien le grand penseur de notre époque insatisfaite.
En 1989, le jeune Daniel Clowes crache sa frustration au visage de l’Amérique conformiste en une série de « krazy comics », publiés dans les pages de son magazine Eightball entre les épisodes de Comme un gant de velours pris dans la fonte ou Ghost world. La quarantaine de courtes histoires rassemblées ici sous le titre Eightball, témoigne de la versatilité d’un artiste qui passe de la satire sociale à la blague potache, de l’anecdote absurde à l’étude psychologique, en s’offrant, au passage, le luxe de détourner l’imagerie et les codes des comics. La satire est réjouissante, renversant pêle-mêle intellectuels et sportifs, artistes et prolos, chrétiens et satanistes, hippies et puritains. L’auteur place cette anthologie sous la protection dérisoire d’une icône des années 50, la Magic 8 Ball, gadget créé par Mattel en 1946, et invite le lecteur à « une orgie de mépris, de vengeance, d’abattement, de désespoir et de perversion sexuelle ».
Date de parution : le 15 février 2018
Scénariste(s) : Daniel Clowes
Dessinateur(s) : Daniel Clowes
Genre : Humour
Editeur : Cornélius
Prix : 29,50 € (142 pages)
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