© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française
Arnaud Desplechin inaugurait en 2015 avec « Père » du Suédois August Strindberg, sa première mise en scène à la Comédie-Française.
Sous l’impulsion d’Eric Ruff, le nouvel administrateur, dont l’ambition était d’ouvrir le Français à des personnalités extérieures, comme en témoigne encore le spectacle vu dernièrement « Les Damnés », orchestré d’un coup de maître par Ivo van Hove.
Cette pièce revient donc à l’affiche en cette rentrée où d’un regard captif, toujours juste, le cinéaste scrute et fait entendre au plus près de l’instant, l’intensité intrinsèque du texte dont le jeu sobre et ciselé des comédiens sert à merveille la menace sourde et aliénante du drame.
Pour le dramaturge, l’enfer c’est le couple. Où sur fond de guerre des sexes et de désordre intérieur, il dissèque jusqu’à l’os l’antagonisme de la relation conjugale et sa lutte identitaire sans merci.
[…] le cinéaste scrute et fait entendre la menace sourde et aliénante du drame […]
Un homme, une femme, s’affrontent à propos du choix éducatif à donner à leur fille. Lui, un militaire érudit et athée veut l’envoyer en pension pour qu’elle devienne institutrice tout en la soustrayant à l’influence religieuse de son entourage. Elle, cette femme qui l’a jadis aimée, exige de la garder près d’elle pour lui faire étudier la peinture, s’opposant à tout autre alternative.
Où comment le lien maternel fomente à l’égard du mari une violence féminine castratrice dans un enjeu de pouvoir aussi dévastateur qu’implacable. Celle-ci s’employant à orchestrer l’insinuation selon laquelle le capitaine ne serait peut-être pas le père biologique de l’enfant. Et à partir de ce doute propagé, à l’instar du vers dans le fruit, c’est tout l’univers intérieur et mental du père qui se trouve contaminé et propice à le faire basculer dans la folie.
La distribution est au diapason. Anne Kessler et Michel Vuillermoz sont à l’unisson où le capitaine à les accents intimes d’un amour maternel irrésolu tandis que Laura, son épouse, est habitée de la brûlure d’un dessein à accomplir
Strindberg a écrit un drame très moderne pour l’époque et plein d’ambiguïté qui met à mal l’institution du mariage et une emprise patriarcale dépossédée, sous couvert d’une émancipation féminine diabolique emprunte de narcissisme.
Le tourment est intérieur chez le dramaturge dont les protagonistes sont les composantes abyssales, fluctuantes, et que le décor tout en relief, avec sa bibliothèque imposante et ses pièces en enfilade, imprègne de son repli ou de son ouverture en fonction de la dramaturgie.
Des personnages sous tension où l’ambiance oppressante est ponctuée par une musique qui souligne l’action et une esthétique propre au metteur en scène qui focalise chaque plan/situation et ouvre à son introspection.
La distribution est au diapason. Anne Kessler et Michel Vuillermoz sont à l’unisson où le capitaine à les accents intimes d’un amour maternel irrésolu tandis que Laura, son épouse, est habitée de la brûlure d’un dessein à accomplir…