La Prière ou la possibilité d’une rédemption
La Prière raconte le parcours d’un toxicomane à qui est offert la chance de sortir du cercle infernal de la dépendance grâce à un séjour dans une communauté religieuse en plein coeur de l’Isère. La majesté des montagnes environnantes côtoie la souffrance de ces jeunes blessés par la vie mais désireux de s’en sortir au contact de la prière. Le réalisateur Cédric Kahn propose une expérience de vie toute de rudesse et de candeur mêlées, sans prosélytisme mais pas sans sentiments.
Un sujet cinématographique ardu
Dès l’arrivée de Thomas (Anthony Bajon) dans la communauté, le réalisateur s’attache à suivre son cheminement, tant psychologique que religieux. De la colère à l’apaisement, Cédric Kahn prend le temps pour révéler les failles mais aussi la force d’un jeune adulte tombé dans la toxicomanie. La communauté dans laquelle il atterrit tend à guérir la dépendance à la drogue par la prière, le travail et le soutien des autres membres. En remplaçant l’obsession permanente de la drogue par des occupations plus sereines, l’expérience vise à remplacer la prison et la logique stérile de la punition par un travail permanent sur soi pour remonter à la surface et se reconstruire. La colère initiale du héros laisse peu à peu place à la révélation de la foi, lui qui ne s’est jamais posé de question religieuse auparavant. Parler de foi au cinéma est un beau challenge tant le sujet n’est habituellement que peu cinégénique. Les visages absorbés dans la prière, le silence du recueillement, l’allégresse collective ou les postures bienveillantes ne sont guère dans l’ère d’un temps qui privilégie plutôt le déchainement d’action et le montage épileptique. Cédric Kahn parvient cependant à captiver le spectateur à l’aide d’un scénario imaginé comme une suite d’épreuves pour le jeune héros, mettant ainsi à distance toute tentation d’angélisme. La rechute, le rejet et la fuite sont les premiers écueils et ils laissent vite place à ceux du cloisonnement ou du repli sur soi, loin du monde réel. Car la vie en communauté doit aboutir finalement à un retour dans la société, bien difficile pour des jeunes fragiles et protégés au sein d’un environnement fraternel.
Le choix de la sobriété
Tout est fait dans La Prière pour ne pas détourner le spectateur d’une intrigue sobre et profonde. Pas de visages connus hormis celui de l’actrice polonaise Hanna Schygulla qui parlera aux aficionados de Rainer Werner Fassbender et d’Alex Brendemühl aperçu récemment dans Mal de Pierre, des paysages bucoliques à perte de vue et un film qui tend au huit-clos. Même avec une vue imprenable sur les montagnes enneigées, La Prière ne sort longtemps que peu d’un périmètre restreint. Quant à Anthony Bajon, il figure très bien d’abord la colère rentrée puis le retour à la quiétude, seulement troublée par un tiraillement final entre la possible vocation ecclésiastique et le sentiment amoureux. Cédric Kahn ne surcharge pas son film d’effets visuels flamboyants, restant dans la plus pure sobriété pour souligner le réalisme de son oeuvre et toucher le plus de spectateurs possibles.
Le réalisateur réussit à retenir l’attention du spectateur plus d’une heure et demie durant avec un sujet habilement traité et un contexte qui pourrait pourtant largement rebuter. Mais La Prière n’est justement pas qu’une invitation à la spiritualité, c’est aussi une fiction qui interroge sur soi-même avec simplicité et profondeur.
Thomas a 22 ans. Pour sortir de la dépendance, il rejoint une communauté isolée dans la montagne tenue par d’anciens drogués qui se soignent par la prière. Il va y découvrir l’amitié, la règle, le travail, l’amour et la foi…
Sortie : le 21 mars 2018
Durée : 1h47
Réalisateur : Cédric Kahn
Avec : Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl
Genre : Drame