Le retour d’Enki Bilal avec une nouvelle série d’anticipation, Bug
Enki Bilal débute une nouvelle trilogie (ou quadrilogie?) intitulée Bug. Son dessin si caractéristique fait une nouvelle fois merveille dans une quête à la fois réaliste et métaphorique. L’ensemble des disques durs de la planète ont perdu leur contenu en une seconde, laissant l’humanité en pure panique, démontrant bien la dépendance de l’homme envers la technologie. Plusieurs personnages gravitent tout au long de 88 pages qui se dégustent avec appétit même si le scénario est parfois un peu ardu à suivre. Mais le plaisir est intact de retrouver Enki Bilal à l’oeuvre dans une bande dessinée qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets…
Une BD d’aujourd’hui et de demain
Enki Bilal s’est taillé une place unique dans l’univers de la BD francophone. Depuis ses premiers ouvrages parus chez Dargaud, puis aux Humanoïdes Associés et enfin chez Casterman depuis 2006, le dessinateur scénariste ne cesse d’imprimer sa marque, creusant le sillon d’une anticipation laissant la part belle à la réflexion plutôt qu’à l’action. Si la trilogie Nikopol reste à jamais son grand oeuvre, le Cycle du monstre et ses premiers sujets politiques comme Partie de chasse restent imprimés dans l’esprit de ceux qui les ont lus. Bug s’annonce comme une nouvelle odyssée mondialiste prenant la technologie comme point d’ancrage. La place des ordinateurs, des clouds et des disques durs a créé une dépendance que l’évanouissement instantané de toutes les donnés fait apparaitre clairement, causant un désarroi généralisé. Le retour à l’analogique et au hertzien sont les seules solutions pour continuer à communiquer. Enki Bilal imagine une trame avec plusieurs personnages principaux devenus l’objet de toutes les attentions pour des organisations terroristes ou gouvernementales qui tentent de récupérer le pouvoir. La BD se transforme vite en thriller palpitant qui accumule les surprises au fur et à mesure des pages. Le héros messianique est une figure centrale de l’oeuvre de l’auteur, lui même surpris de l’attention générale autour de sa personne mais obligé de se surpasser pour accomplir sa mission. Bug monte bien l’importance d’une minuscule bestiole dans les rouages d’une machinerie universelle. Le héros contient lui même une mouche insérée dans son corps, peut être à l’origine du bug mondial, saura-t-il aider l’humanité à se remettre de la catastrophe numérique engendrée par ce Bug dévastateur?
Un dessin caractéristique
Enki Bilal a su créer son univers graphique en s’affranchissant des lignes claires et en enfouissant son univers dans un pastel multicolore aux fortes teintes bleutées et grisatres. Pas beaucoup d’évolution depuis ses derniers ouvrages, mais après tout, où est le problème? L’auteur pourrait dessiner des kilomètres de pages que le plaisir de le découvrir resterait toujours le même. L’ajout de détails incongrus participe à un univers unique dans le monde de la bande dessinée. Animaux, objets et humains cohabitent dans un monde futuriste à la fois réaliste et cocasse. Des inventions totalement irréalistes cohabitent avec ce qui sera certainement notre futur pour une vision lucide des enjeux auxquels l’humanité devra faire face. De nouveaux états pourront émerger du tumulte mondial pour de nouvelles voies à explorer pour l’homme. Pistes sociologiques et réflexions philosophiques contiennent leurs lots d’aphorismes percutants qui ne laissent de surprendre tout au long de ce riche volume.
La série Bug débute avec un Livre 1 qui pose bien des questions. Il faudra certainement attendre au moins une année pour avoir des éclaircissements, mais patience, le ton risque de monter pour de brutales révélations!
Dans un avenir proche, en une fraction de seconde, le monde numérique disparaît, comme aspiré par une force indicible. Un homme, seul, malgré lui, se retrouve dans une tourmente planétaire.
Après avoir traité de sujets politiques, géopolitiques (Les Phalanges de l’Ordre Noir, Partie de chasse, avec Pierre Christin), de destins dictatoriaux et de rêves d’immortalité (La trilogie Nikopol), de cauchemars obscurantistes prémonitoires (Le cycle du Monstre), de planète recadrant les humains (La trilogie du Coup de Sang), Enki Bilal nous prive de notre addiction digitale en nous plongeant, non sans une certaine dérision, dans un monde de désarroi et d’enjeux multipolaires…
Date de parution : le 22 novembre 2017
Scénariste(s) : Enki Bilal
Dessinateur(s) : Enki Bilal
Genre : Anticipation
Editeur : Casterman
Prix : 18 € (88 pages)
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