Trancher, un livre choc d’Amélie Cordonnier (Flammarion)
Trancher est le premier roman d’Amélie Cordonnier qui est journaliste. C’est un roman tellement vrai qu’on espère que ce n’est pas autobiographique. Une écriture sincère, crue et dure, sans détour.
Une famille ordinaire
Trancher est écrit à la deuxième personne du singulier, ce qui peut surprendre. En fait, ce « tu » s’adresse à cette jeune femme, dont on ne connaît même pas son prénom. Elle se parle à elle-même comme pour se donner du courage… Elle est mariée avec Aurélien et ensemble ils ont deux enfants, un ado, Vadim, et une petite fille de 8 ans, Romane.
Au début, elle était heureuse avec Aurélien. Elle l’aime son mari. Mais sans aucune explication, ça lui arrive de péter les plombs, et à ces moments-là, il engueule sa femme. Mais vraiment très méchamment. Il la traite de moins que rien et devient très violent, mais juste en paroles, pas en acte.
Je suis chez moi, quand même, alors ferme ta gueule une bonne fois pour toutes, connasse, si tu veux pas que je la réduise en miettes. p.15
Tu es moins qu’une femme. p.129
Tu n’es qu’une merde. p.129
On ne meurt pas sous le coup des mots, aussi violents soient-ils. Le trou dans le plexus, les morsures, les lames et les aiguilles qui meurtrissaient ta chair n’étaient que métaphoriques. p.130
L’extrême horreur
On est tellement absorbé par cette lecture, tellement sidéré, qu’on oublie tous les détails. On ne retient que l’horreur, l’extrême maltraitance. Mais comment est-ce possible de vivre ainsi ? Tout se passe bien. Ils ressemblent à une famille ordinaire et d’une seconde à l’autre, le père devient fou et assassine, avec les mots, sa femme, devant leurs enfants. Elle reste calme, elle essaie de sauver la face, pour ne pas donner de l’importance à l’horreur. Pour préserver les enfants. Eux ne doivent pas être marqués au fer rouge.
Et puis, elle a fini par partir. Et elle est revenue. Il est guéri. C’est sûr. Il promet que ça n’arrivera plus. Et puis, c’est revenu. L’insoutenable est de nouveau là. Il faut affronter l’horreur, sans déclarer la guerre. Toujours minimiser. Et puis, un beau jour, elle dit stop. Stop à cette violence. Elle va prendre une décision le jour de ses quarante ans. C’est sûr. C’est promis.
Trancher
Elle ne peut plus continuer à vivre ainsi. Mais sera-t-elle assez forte pour trancher ? Est-ce si simple que ça ? Ce roman est bouleversant. Cette femme n’est pas battue, ne porte aucune trace de violence et pourtant elle subit une des pires violences qui existe ! Une lecture étonnante et qui aidera peut-être des femmes qui se trouvent dans cette situation à mettre des mots sur leurs maux, à mieux comprendre l’importance de chaque mot. Une situation que chaque femme aurait tendance à minimiser pour protéger ses enfants. Ce n’est pas si grave une maltraitance orale, peut-on penser, à tort.
L’auteur montre les dégâts d’une telle relation. C’est la déchéance humaine, la perte totale de confiance en soi, le désamour de soi qui ne peut que mener à la dépression. A la dépression sévère. Une forme de meurtre.
Trancher, un très bon roman qui fait mal, qui fait peur, et qui met l’accent sur une vérité, hélas, assez fréquente.
Cela faisait des années qu’elle croyait Aurélien guéri de sa violence,des années que ses paroles lancées comme des couteaux n’avaient plus déchiré leur quotidien. Mais un matin de septembre, devant leurs enfants ahuris, il a rechuté : il l’a de nouveau insultée. Malgré lui, plaide-t-il. Pourra-t-elle encore supporter tout ça ? Elle va avoir quarante ans le 3 janvier. Elle se promet d’avoir décidé pour son anniversaire.
D’une plume alerte et imagée, Amélie Cordonnier met en scène une femme dans la tourmente et nous livre le roman d’un amour ravagé par les mots.
Hors collection – Littérature française
Date de parution : le 29 août 2018
Auteur : Amélie Cordonnier
Editeur : Flammarion
Prix : 17 € (176 pages)
Acheter : Amazon
[…] critiques Babelio Lecteurs.com L’Express (David Foenkinos) Actualitté (Clémence Holstein) Publik’Art (Bénédicte de Loriol) Blog La Rousse bouquine Blog […]