En salle le 11 février 2015
Synopsis : Par amour, Vincent a suivi Barbara à New York. Mais elle ne veut plus de lui. Obsédé par l’idée de la reconquérir, il décide d’aller jusqu’au bout…
Dans la ville qui ne dort jamais, Vincent ballade sa tristesse de bar en bar, d’un métro à un autre, la photo de son ex Barbara sur son portable (Kate Moran, vue dans Les Rencontres d’après Minuit), comme un dernier lien l’attachant à elle. Aucun autre but que celui de reconquérir celle qui vit depuis avec quelqu’un d’autre, un brillant médecin new-yorkais.
A l’image des premières images du film, celles d’un New York légèrement tremblotant sous les secousses du téléphérique, la santé mentale de Vincent déclinera peu à peu dans cette ville où il est l’étranger. Aucune ode à New York ici, pourtant très cinégénique, puisque la ville est vue à la hauteur d’un personnage obsessionnel, c’est à dire d’un point de vue restrictif. New York se limite au périmètre entourant Barbara, et les quelques échappées nous ramèneront toujours à elle.
Vincent Macaigne apporte là une variation à ce personnage d’amoureux fou déjà en scène dans le magnifique Tonnerre de Guillaume Brac. Une histoire américaine repose beaucoup sur le magnétisme de cet acteur borderline, clown triste imprévisible dans ses paroles et ses gestes, désormais incontournable dans le jeune cinéma d’auteur français (2 automnes 3 Hivers, La Bataille de Solférino, Tristesse Club, etc.)
Une histoire américaine ne suit aucune trame, va de secousses en stases à l’instar de la psyché de son protagoniste. Le film enchaine les scènes obligées (la confrontation entre Barbara, son compagnon et Vincent) et quelques moments imprévisibles (l’histoire d’amour avortée avec une jeune et jolie Danoise). Rencontrée dans un bar, le vent de fraicheur qu’apporte Sophie (une nuit à Coney Island, une aventure burlesque dans un hippodrome), est rapidement saqué par l’obsession de Vincent revenant au galop, mettant là en lumière la part de cruauté du personnage. Du simple looser, Vincent devient un anti-héros sapant même l’empathie du spectateur.
A la faveur d’une rupture, ellipse rendue signifiante par la perte de poids de Vincent Macaigne (pour les besoins du tournage de Tonnerre justement), le film bascule dans une veine dramatique que l’affiche même ne laisse pas percevoir. Les quelques accents comiques qui subsistaient (une demande en mariage pathétique notamment) s’effacent au profit de la croissance de la folie obsessionnelle du personnage. Resté à New York où il épie son ex, Vincent travaille mécaniquement dans une poissonnerie, Charlot des temps modernes. Sa déchéance sociale, mise en évidence par sa famille venue lui rendre visite, plonge le personnage et le film in extenso dans une tonalité sombre que même les lumières de Broadway n’arrivent pas à raviver.
Des accents mumblecore (pour son esthétisme à l’arrache et le propos intimiste) à une tradition auteuriste française mis en valeur par la persona de Macaigne, Une histoire américaine charme par son aspect bricolé et contemplatif, encloisonnant la folie de Vincent. Plus qu’une histoire d’amour impossible, le film s’offre comme une réflexion sur l’aveuglement et le déni inhérent au sentiment amoureux, poussé ici à l’extrême, mais aussi sur la catégorisation sociale et la norme exigée.
Une histoire américaine, ironie suprême du titre lorsque l’idéal américain « start from scratch » stipule la réussite possible de tout le monde si tant est qu’on s’en donne les moyens. C’est ici l’histoire d’une non-évolution, d’une descente aux enfers et rien de plus.
Une Histoire Américaine d'Armel Hostiou – Bande… par LesBAdeVivalaCinema