La Valse des arbres et du ciel de Jean-Michel Guenassia : et si Van Gogh ne s’était pas tué… (Albin Michel)
Jean-Michel Guenassia aime s’attaquer à des pans de l’histoire européenne. Dans un premier roman sublime, Le Club des incorrigibles optimistes, il retraçait le parcours d’une génération égarée entre la fin d’une guerre sanglante et la montée du communisme. « Le club des incorrigibles optimistes est, pour moi en tout cas, mon premier vrai roman » expliquait-t-il alors car, en vérité, il avait déjà publié un polar en 1986. Une renaissance littéraire dirons-nous et depuis, si ces nouvelles œuvres n’ont pas la saveur de son « premier vrai roman », elles se laissent lire avec plaisir. La Valse des arbres et du ciel, petit dernier, est paru en août, s’ajoutant à la liste des 362 romans de la rentrée littéraire 2016.
Les deux derniers mois de la vie de Van Gogh, la condition féminine au XIXème siècle et une passion fulgurante sont les trois fils rouges enchevêtrés du roman. Marguerite, jeune protagoniste, permet à ces thèmes de se mêler. Fille du Docteur Gachet, elle vit presque cloîtrée à Auvers-sur-Oise, bourgade champêtre qui a charmé Van Gogh et où il aura inlassablement promené son chevalet pendant soixante-dix jours au hasard des points de vue, des toits de chaume et des couleurs environnants. Marguerite, rebelle et rêveuse, tombe amoureuse de ses tableaux. Puis de l’homme. Alors, au lieu de se libérer du joug de son père en fuyant en Amérique – son projet initial – elle s’en libère en devenant l’amante du peintre. Mais encore mineure et déjà promise à un autre par son géniteur, sa passion pour cet impressionniste va-nu-pieds et sans renom va les mener à leur perte…
C’est ainsi que Jean-Michel Guenassia s’est plu à inventer l’Histoire. La mort de Van Gogh, à propos de laquelle l’hypothèse du suicide a longtemps prévalu, est très controversée. Un mystère, donc un terreau idéal pour l’imagination. Celle de l’écrivain s’en est emparée.
La naissance d’une passion, son intensité et son extinction… De son écriture fluide et accessible, l’auteur fait de Marguerite une amoureuse transie à tel point que s’en est parfois horripilant. Tandis que Van Gogh, sous sa plume, perd un peu de sa superbe. L’artiste se normalise, tombe du piédestal où sa peinture et sa légende l’y avait installé. C’est normal sans doute puisqu’il s’agit de l’homme « ordinaire » sous le chapeau de l’artiste et que souvent les génies ne sont pas des héros, au contraire, ils sont pétris de défauts.
La Valse des arbres et du ciel est une jolie plainte féminine mais pas un chef-d’œuvre. C’est gentil mais cela n’affole pas l’esprit. Cela divertit sans nous faire quitter la terre ferme. Le livre est moins inspiré, moins lumineux que Le club des incorrigibles optimistes. Pour autant, les descriptions de Van Gogh sur le point de peindre, sa vision du monde qu’il jette sur ses toiles, l’admiration de Marguerite sont autant de pages à lire pour leur poésie, l’enthousiasme qu’elles provoquent et la vérité qu’elles dégagent.
Si ce livre est une légère déception, c’est bien car ce grand auteur nous a déjà donné nourriture littéraire de meilleure qualité.
Jean-Michel Guenassia nous révèle une version stupéfiante de ces derniers jours.
Et si le docteur Gachet n’avait pas été l’ami fidèle des impressionnistes mais plutôt un opportuniste cupide et vaniteux ? Et si sa fille avait été une personne trop passionnée et trop amoureuse ? Et si Van Gogh ne s’était pas suicidé ? Et si une partie de ses toiles exposées à Orsay étaient des faux ?…
Autant de questions passionnantes que Jean-Michel Guenassia aborde au regard des plus récentes découvertes sur la vie de l’artiste. Il trouve des réponses insoupçonnées, qu’il nous transmet avec la puissance romanesque et la vérité documentaire qu’on lui connaît depuis Le Club des incorrigibles optimistes.
Date de parution : le 17 août 2016
Auteur : Jean-Michel Guenassia
Editeur : Albin Michel
Prix : 19,50 € (304 pages)
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