Vera, un rôle en or pour Karin Viard : captation intégrale
La pièce est une épopée capitaliste crue, traduite par Alena Sluneckova et montée par Martial di Fonzo Bo et Elise Vigier.
Son auteur le dramaturge et cinéaste tchèque au regard corrosif, Petr Zelenka y dresse le portrait sans concession d’une carriériste cynique qui va être broyée par le système après l’avoir propulsée au sommet. Et à travers elle, c’est la dénonciation d’une société tchèque qui est passée du communisme au libéralisme économique sans foi ni loi. Un rôle en or pour Karin Viard.
Vera (Karin Viard) est directrice d’une agence de casting pour comédiens à Prague.
C’est une femme dure et sans scrupule qui va user, abuser de tout, céder au pire pour renforcer son pouvoir et sa réussite sociale, congédiant un acteur en même temps qu’elle en recrute un autre, maternant l’un, avant d’humilier l’autre.
Une descente aux enfers
Son entreprise est leader quand elle décide de fusionner avec une autre agence, plus grande encore, basée en Grande-Bretagne.
La décision de trop qui inaugurera sa descende aux enfers et la verra se faire éjecter de son poste avant de finir par tout perdre.
Le texte de Zelenka s’apparente à l’univers de certains films de Fassbinder : le secret de Véronica Voss par exemple, un monde exposé, brillant, celui des stars, qui cache le plus sombre, le plus putréfié, derrière la fine pellicule de l’image.
On est d’entrée aux prises avec une réalité exagérée, un monde clos qui s’autodétruit, qui s’asphyxie.
Phénoménale Karin Viard
Perchée sur ses hauts talons aiguilles et moulée dans une jupe en cuir bordeaux qui jure avec le satin violet de son chemisier, Vera se panne devant son père que le « monde est merveilleux » car elle vient de signer la fusion avec Global Casting, lequel reste pourtant sceptique quant au bonheur réel de sa fille si fière de lui offrir pour son anniversaire une guitare de prix.
Par l’exagération qu’il donne aux situations, l’omniprésence de la mort ou le comique de chaque scène, Zelenka donne une dimension décalée et grinçante au récit. Et la trame de la fable avec sa surenchère est source permanente d’intranquillité.
L’assurance de Vera, sa totale autosatisfaction, son sentiment de puissance et de maîtrise absolue impriment la catastrophe à venir.
Découpée sous forme de séquences qui s’enchaînent comme dans un film, la mise en scène électrique, place Véra au centre d’un dangereux tourbillon que matérialisent les cinq acteurs qui se relaient autour d’elles dans de multiples rôles et différents lieux.
Par un jeu rythmé et endiablé, les acteurs Helena Noguerra, Lou Valentini, Rodolfo De Sousa, Pierre Maillet et Marcial Di Fonzo Bo s’emparent avec brio et second degré des enjeux des situations, emmenés par une Karin Viard, phénoménale, en femme de pouvoir à l’assurance explosée et brisée.
Captation disponible jusqu’au 31/08/2020