Vertigineuse exposition Picasso primitif au Musée du Quai Branly
Une nouvelle exposition parisienne consacrée à Picasso s’expose d’emblée au scepticisme du public. Est-il encore possible de dévoiler une nouvelle facette du maitre quand le Grand Palais et le Musée Picasso ne cessent d’aviver son esprit dans des évènements flamboyants récurrents? Le Musée du Quai Branly réussit l’exploit de proposer une exposition novatrice et pléthorique sous le prisme de l’influence décisive de l’art non-occidental sur le travail du maitre. Endurance et enthousiasme sont les maitres mots d’une visite qui multiplie les morceaux de bravoure tout du long.
Didactisme et symbolisme
L’exposition s’ouvre sur une vaste frise chronologique qui explique par le menu les différentes étapes de l’influence esthétique de l’art des outre-mondes sur la vision esthétique de l’artiste tout au long de sa vie. De sa première visite charnière à Paris en 1900 jusqu’à sa mort, Picasso ne cessa de collectionner les pièces de collection sous forme de masques, instruments de musique ou objets divers importés d’Afrique et d’Océanie, les disposant ostensiblement dans ses différents ateliers. Des commentaires éclairants accompagnés de photos d’époque expliquent le rôle majeur de masques destinés à personnifier les esprits de la nature sauvage chez les populations indigène pour leur donner une image et rassurer des populations censément entourées d’esprits tapis dans l’ombre. Picasso y voit surtout une alternative révolutionnaire à la mode occidentale de la représentation binaire dans des scénettes simplistes et simplement figuratives. La période cubiste de Picasso fera sa renommée et assurera la pérennité du choc esthétique qu’il préfigure en compagnie de ses acolytes de l’époque, Magritte et Braque en tête. Le spectateur déjà enivré par une vertigineuse accumulation d’informations doit encore garder tous ses esprits à la fin de la première partie. Car la suite est encore incroyablement dense et tout aussi enthousiasmante.
Des mises en abime esthétiques
Une fois les explications passées, il est temps de mettre en regard les oeuvres du maitre andalou avec celles des artistes anonymes des mondes inconnus pour identifier les influences et les mises en application. L’art devient quasiment anthropologique et se dissocie des simples relations esthétiques. Les sections de l’exposition s’orientent vers des questions tant psychanalytiques que plastiques, faisant émerger des questionnements qui aboutiront aux défigurations et aux restructurations. Picasso aborde sans se défausser les thématiques de la sexualité, de la nudité ou de la mort dans des oeuvres frontales et sans détours. Les représentations ne se font plus en 2 ou 3 dimensions, l’artiste multiplie les angles de vue pour figurer les strates plus profondes de l’esprit, examinant l’intimité et les fondations de ce qui fait l’humain. Les amateurs autant que les allergiques aux oeuvres de Picasso trouveront matière à réflexion pour mieux appréhender un esprit novateur qui marqua l’art occidental et toue sa descendance de son empreinte magique. La vision de ses oeuvres avec à proximité les oeuvres d’art d’outre mer met à jour l’évidence d’une relation aussi complexe qu’indiscutable.
L’exposition Picasso primitif du Musée du Quai Branly offre un voyage enivrant dans une oeuvre plurielle que l’artiste ne cessa de faire évoluer tout au long de sa carrière. Le parcours réserve bien des surprises pour la confirmation que cette exposition est tout simplement immanquable.
Dates : Du 28 mars au 23 juillet 2017
Lieu : Musée du Quai Branly (Paris)
Entrée : 10 €