La vie intense de Tristan Garcia : l’impossible équation de la modernité (Autrement)
A 35 ans, Tristan Garcia est un écrivain et philosophe que certains considèrent comme la relève française. Livres philosophiques, essais, articles, ses œuvres sont déjà nombreuses et il n’a certainement pas fini d’occuper les rayons par ses réflexions. Son dernier ouvrage intitulé « La vie intense. Une obsession moderne » pense le monde d’aujourd’hui sous le prisme de l’intensité.
Qu’est-ce que l’intensité d’une vie aujourd’hui ? A quoi se mesure-t-elle ? Vivons-nous plus intensément lorsque nous choisissons un magnum intense plutôt qu’un Cornetto fraise ? L’utilisation de ce terme et de ses dérivés (crème « miracle », œufs « ultra frais » …) a été galvaudée par notre société de communication. Le marketing se l’est approprié mal à propos. Ainsi, Tristan Garcia nous avertit : « Il est donc nécessaire de se lancer dans une course moderne contre l’approvisionnement de l’intensif et sa réduction au non-intensif ».
La première partie du livre correspond à la genèse moderne de l’intensité qui serait née de la découverte de l’électricité en 1800 par Volta. Cette date aurait un impact déterminant sur ce que nous sommes aujourd’hui. Si vous en doutez, Paul Valéry n’en dit pas moins dans Vues : « La découverte du courant électrique […] ouvre cette ère des faits nouveaux qui vont changer la face du monde ». Cette séquence historique cependant est ardue à assimiler. Un peu dense, Tristan Garcia se dévoile bien plus intéressant lorsqu’il pénètre dans le domaine de la philosophie pure.
Alors que nous souffle-t-il qu’il nous faut retenir ? Qu’à trop vivre, on s’épuise avant notre heure ? Oui sûrement, mais à ne pas tout donner, on meurt avec des regrets ! L’auteur en est conscient puisque ce problème insoluble se dessine au fil des pages du livre. Et il n’a pas de réponse si ce n’est un entre deux, un équilibre franchement impossible à atteindre et à tenir. Il faudrait ni trop vivre ni pas assez. Où est le curseur ?
Ce n’est qu’un petit bout réducteur de son développement. Pour le comprendre dans toute son ampleur et sa complexité, lisez-le.
Livre clairvoyant qui, peut-être, manque de limpidité pour un esprit fatigué qui l’ouvre en fin de journée. Certaines formulations sont remarquables alors qu’on peut se perdre dans les virages de sa pensée en d’autres endroits. Mais ici, il faut également incriminer le lecteur (donc moi-même) pour son manque de concentration et peut-être de réflexion.
Bonne lecture !
Tristan Garcia est écrivain et philosophe.
Enseignant à l’université Jean Moulin – Lyon 3, il est l’auteur de romans et d’essais philosophiques. Citons les remarquables 7 (2015), Faber (2013), La Meilleure Part des hommes (Prix de Flore 2008), et Forme et objet : un traite des choses (PUF, 2011).
Passionné d’images et de cinéma, Tristan Garcia est aussi directeur d’une collection sur les séries télévisées aux PUF.