« Arturo Ui » dans une version expressionniste et burlesque, captation ce soir à 20h30 sur le site de la Comédie-Française
Entrée marquante en 2017 au répertoire de la Comédie-Française du chef-d’œuvre de Bertold Brecht « La Résistible Ascension d’Arturo Ui ». Où la mise en scène aux accents expressionnistes de l’Allemande Katharina Thalbach, investit avec force et pertinence le style bouillonnant, baroque, épique et poétique du dramaturge.
Chicago dans les années 30. Une crise économique a plongé la ville dans la misère. Les dirigeants du trust du chou-fleur cherchent à éviter la banqueroute. Le gangster Arturo Ui va planter sur ce terreau les graines fertiles à sa formidable ascension. En chef de gang sans scrupule, il profite donc de la situation pour organiser un racket de grande envergure et faire main basse sur l’économie de tout le pays.
« La Résistible Ascension d’Arturo Ui » est une parabole cinglante, une critique féroce du fascisme lié intrinsèquement aux forces occultes de l’argent, une « farce historique ».
Elle transpose dans le milieu des gangsters de Chicago l’ascension d’Hitler, de la crise de 1929 à la nuit des Longs couteaux en 1934 et l’annexion de l’Autriche en 1938 et dévide les mécanismes ainsi que les renoncements qui ont permis son avènement.
Entre intrigues politiques et méthode de voyous propres aux deux contextes (régime nazie et liaisons dangereuses entre capitalisme et gangstérisme), le protagoniste Ui/Hitler dont la figure emprunte au Führer et à Al Capone, tire son ascendance entre séduction, manipulation et intimidation.
Et offre un constat toujours saisissant d’une pouvoir suprême ou économique où les compromission des uns assurent la mainmise des autres.
Parmi les hommes de main d’Arturo Ui, on retrouve, déformés, les noms des principaux dirigeants nazis : Givola pour Goebbels, Roma pour Röhm, Gori pour Goering. Hindsborough, l’administrateur octogénaire de la ville, n’est quatre que Paul von Hindenburg, à qui Hitler succédera.
La mise en scène enlevée de Katharina Thalbach souligne le côté grotesque, intranquille et avide de pouvoir d’Arturo Ui et de ses sbires. Elle emprunte à l’imagerie clownesque des films de gangsters américains, aux codes de la tragédie élisabéthaine et du théâtre de foire.
Les comédiens du Français sous un maquillage outré renvoient à des personnages inquiétants tout droit sortis d’un film de Tim Burton. Ils évoluent sur un plateau en pente, parsemés de trappes propices aux pièges et d’un cordage formant une immense toile d’araignée suspendue au dessus du plan de la ville dessiné au sol dont la symbolique évoque l’emprise implacable et hégémonique.
Immense Laurent Stocker
Et pour incarner la bête immonde qu’est Arturo Ui, Laurent stocker est extraordinaire où d’un geste, d’une intonation, d’un regard, d’une attitude, il habite la folie sourde, menaçante ou ravageuse d’Arturo.
Ses acolytes ne sont pas en reste : Thierry Hancisse, Serge Bagdassarian et Jérémy Lopez forment un trio efficace tandis que Michel Wuillermoz offre en répétiteur d’Arturo Ui, un grand numéro d’acteur proprement surréaliste.
Date : 4 mai 2020 l sur le site la Comédie continue !
Metteur en scène : Katharina Thalbach