
Cataract 2, 1967
© Anna Arca/ © Bridget Riley 2025. All rights reserved
Bridget Riley à Orsay : la ligne comme invention, la ligne comme tension
Il y a des expositions qu’on traverse. Et puis, il y a celles qui nous magnétisent. L’exposition Bridget Riley : « Point de départ », au Musée d’Orsay, appartient à cette seconde catégorie : un parcours qui ne montre pas seulement des tableaux, mais l’invention d’un regard hypnotique.
Tout commence par un geste presque scolaire : en 1959, La Britannique (née en 1931) copie Le Pont de Courbevoie de Seurat. Un exercice, croit-on. En réalité, une révélation : la lumière n’est pas un voile, c’est une structure.
Ce moment de bascule — humble, radical — est le cœur battant de l’exposition. À partir de là, elle ne peindra plus des choses, mais l’acte même de percevoir.
Les salles d’Orsay, baignées d’une lumière mate, déroulent cette métamorphose. D’abord les paysages vibrants encore d’une mémoire figurative, puis les noirs et blancs des débuts optiques, enfin les grandes toiles chromatiques où tout oscille. L’œil tremble, le sol se dérobe, la peinture devient une onde.
La pulsation du regard
Le musée, intelligemment, ne cède jamais au spectaculaire. Il tisse un lien silencieux entre Riley et Seurat, entre la patience du pointilliste et la tension du minimalisme. Ce dialogue-là fait sens : derrière les effets d’optique, on redécouvre une peinture de la concentration, presque spirituelle.
Pour conclure, cette exposition est une victoire sensuelle et intellectuelle. Elle nous rappelle que l’art ne doit pas être seulement vu, mais vécu. L’artiste redonne à la couleur sa fonction de choc, à la ligne sa tension, à la toile sa capacité à se redéfinir dans le regard de chacun.
Oui — il y a du plaisir pur à s’adonner à « Point de départ ». Mais il y a aussi du sérieux. Le musée joue son rôle de médiateur, de passeur, d’interprète. Et le spectateur est invité à être plus qu’un passant : il doit devenir enquêteur de sa propre perception.
On ressort d’Orsay avec l’esprit plus léger, comme après un long regard au soleil. Bridget Riley nous rappelle que voir, c’est un verbe d’action : on ne contemple pas, on prend part à l’acte et à sa métamorphose visuelle et sensorielle.
Trois oeuvres phares à ne pas manquer :
1. Copy after Le Pont de Courbevoie (1959)
Le tableau-source. Riley y apprend le rythme caché des couleurs. La toile tremble doucement, déjà.
2. Pink Landscape (1960)
Un entre-deux. Le paysage devient prétexte à l’abstraction. Le rose y pulse comme une respiration.
3. Cataract 2 (1967)
La maturité. L’œil bascule, la toile s’anime. Ici, tout bouge : non l’image, mais celui qui la regarde..
Dates : du 21 octobre 2025 au 25 janvier 2026 – Lieu : Musée d’Orsay (Paris)