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Catherine Hiegel souveraine et désopilante dans Les Règles du savoir-vivre

Catherine Hiegel souveraine et désopilante dans Les Règles du savoir vivre : un régal !
Catherine Hiegel dans « Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne » photo (Jean-Louis Fernandez)

Catherine Hiegel souveraine et désopilante dans Les Règles du savoir-vivre

« Les règles du savoir-vivre dans la société moderne » est une pièce de Jean-Luc Lagarce l’un des auteurs français les plus importants de la fin du 20e siècle, et l’un des plus joués en France. Il s’agit d’un monologue qui s’appuie sur la réécriture d’un manuel de bonnes conduites de la Baronne Staffe, née en réalité de condition modeste sous le nom de Blanche Soyer, paru en 1889.

Le propos consiste à édicter à destination des aristocrates et grands bourgeois du XIXe siècle, à partir des grands moments de l’existence (naissance, fiançailles, mariage, veuvage) la conduite à tenir et que Lagarce d’un regard corrosif, taille au scalpel pour mieux en faire ressortir toute la parodie sous-jacente.

Un grand numéro d’actrice

Sur la scène, la baronne/conférencière prend les traits de Catherine Hiegel où d’emblée sa partition sous la direction aiguisée de Marcial Di Fonzo Bo, participe sournoisement à la charge caustique contre les conventions sociales et leurs fausses apparences.

Vêtue d’une tunique noire rehaussée d’une collerette blanche, dans un décor minimaliste constitué de grandes tables sur roulettes qu’elle déplace à l’instar d’un nouveau chapitre du manuel abordé, la dame nous instruit des codes à suivre pour ne pas « se laisser déborder par les futilités accessoires que sont les sentiments et pour gérer la vie comme une longue suite de choses à régler ». Car il s’agit avant tout de « tenir son rang ! ».

Sur un ton compassé aux airs de patronnesse, la conférencière – sourire aux lèvres mais faussement maternelle masquant en fait une implacable solitude – porte à son paroxysme le parcours désopilant de la jeune fiancée jusqu’au mariage puis au veuvage que les règles de la bienséance doivent régenter et accompagner, le tout délesté de tout ressenti intime et émotionnel. Où l’obsession de la mort « toujours possible, envisageable », se rappelle sans le moindre égard aux percepts édictés.

A travers cette adresse anachronique, l’auteur nous renvoie – dans une langue mélodieuse et une syntaxe dense – le portrait d’une société bourgeoise conservatrice et corsetée. Derrière la forme caricaturale d’un guide de convenances prétexte pour Lagarce à une critique sociale, il pointe avec une ironie mordante la famille, l’amour, la mort, la solitude et les valeurs d’une société torpillée par les faux-semblants que l’on se doit toujours de sauvegarder.

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre

La comédienne très inspirée dans une mise en scène épurée de Di Fonzo, en interaction avec le public, déploie un jeu subtil et sarcastique empreint de rupture de jeu, où ses attitudes, parfois sa méprise, et ses mimiques, amplifient à dessein les moments tragico-comiques. Tantôt espiègle, tantôt sévère, tantôt candide, toujours singulière, elle est extraordinaire de finesse et d’intelligence où, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, elle se joue à l’envi du propos entre conviction désarmante et distance désopilante !

Cette pièce donne aussi à entendre le ton singulier de Jean-Luc Lagarce fait de sonorités, de variations et de reprises. Son rythme donne toute son ampleur à la dérision et au décalage des situations décrites qui, par delà le rire qu’elles provoquent, n’en sont pas moins empreintes de gravité. Car c’est là, la périlleuse et grande affaire que de pourvoir y survivre…!

Dates : A partir du 11 octobre 2022 – Lieu : Théâtre du Petit Saint-Martin (Paris)
Mise en scène : Marcial Di Fonzo Bo

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu de l'actrice
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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