C’est Noël tant pis, la famille vacharde de Pierre Notte
Pierre Notte signe une nouvelle comédie noire au ton féroce avec pour cadre la cellule familiale et ses travers. Décapant !.
La mère, le père, les deux enfants, une belle-fille et la grand-mère, sont tous réunis, enfin presque, un soir de noël où le rite obligé est à la hauteur de l’accablement qui les assaille. La famille petite bourgeoise avec ses valeurs définitives, ses névroses cachées, ses dysfonctionnements, là où les liens du sang, viciés par les faux-semblants, les rancœurs, la tendresse inavouée, l’incommunicabilité, font exploser les conventions sur fond de réconciliation ravageuse.
Autour des invités, la tension est palpable : un père désabusé, frustré tout en colère rentrée (Bernard Alane) et une mère (Silvie Laguna) torturée et aigrie par la vie. Deux fils qui se détestent, l’aîné (Renaud Triffault) au parcours de 1er de la classe mais solitaire s’imposant face au cadet, sensible, (Brice Hillairet), lequel est accompagné de sa femme (Chloé Olivères) « la pièce rapportée » comme la surnomme ses beaux parents et aux prises avec une belle famille qui la déteste, « Ce n’est pas Noël, c’est la Saint Barthélemy« .
Quant à la grand-mère, elle s’est volatilisée. On la retrouve nue sous la table. Transportée aux urgences et en attendant sa mort, le clan va s’affronter et régler ses comptes où après une dernière expérience du désastre qui verra le deuxième fils se pendre et se rater !, laisser apparaitre sous le vernis enfin craquelé, leurs vrais sentiments.
La famille est un lieu de tension
L’écriture corrosive de Pierre Notte, aux tournures poétiques et baroques, superpose avec justesse un enchaînement de situations qui, de décalages en dérapages, érige implacablement le labyrinthe infernal d’une perdition, souvent drôle, parfois pathétique, toujours destructrice et salvatrice pour les protagonistes.
Le dramaturge à la plume affûtée dissèque les hypocrisies de notre modèle familial comme celles inhérentes à la relation de couple, de parents-enfants et leur rapport au monde d’où émergent immanquablement leurs frustrations, leur solitude et leurs actes manqués.
Dans cet univers dévasté, la famille est un lieu de tensions où si chacun des membres ne peut s’accomplir, tous tentent désespérément de la faire à travers des instincts de survie.
L’écriture corrosive érige le labyrinthe infernal d’une perdition
La mise en scène très codifiée et rythmée de Pierre Notte, portée par une interprétation au diapason, accompagne avec fluidité cette embardée explosive et drolatique. Le tout agrémenté de trois chansons qui viennent, comme dans toute comédie musicale détournée qui se respecte, suspendre le moment fatidique.
« On ne délire pas son père et sa mère, on délire le monde » (Gilles Deleuze, l’Abécédaire).
Dates : du 28 janvier au 29 juillet 2017 l Lieu : Comédie des Champs-Elysées (Paris)
Metteur en scène : Pierre Notte