David Fray d’humeur romantique au Théâtre des Champs Elysées
Le Theatre des Champs Elysées accueillait David Fray ce mercredi 22 juin 2016 pour un récital de piano enflammé. Habitué des lieux, le pianiste français fait des infidélités à Bach avec un programme à forte teneur romantique pour le dernier concert de piano de la saison.
David Fray a fait sien le célèbre adage de Corneille : la valeur n’attend pas le nombre des années. Natif de Tarbes en 1981, le pianiste passé par les classes de Jacques Rouvier, Christian Ivaldi et Claire Désert se distingue aussi bien en soliste qu’en musique de chambre et en collaboration avec les plus grands orchestres. Son enregistrement des quatre concertos pour clavier et cordes de Bach en 2008 achève de le révéler aux yeux des passionnés avant la consécration en 2010 avec la Victoire de la musique classique du Soliste instrumental de l’année. Les chanceux qui l’ont vu en janvier 2013 au même Théâtre des Champs Elysées interpréter le livre 1 du Clavier bien tempéré, Toccatas et Partita de Bach n’ont pas hésité longtemps pour le voir tenter un programme plus surprenant en 2016.
Depuis ses deux albums consacrés aux oeuvres pour piano de Schubert en 2009 et 2015, David Fray n’hésite plus à exploiter sa fibre romantique avec des concerts enlevés. Il faut le voir taper du pied avec fougue pendant qu’il interprète la Novelette n°8 de Schumann pour comprendre qu’il vit pleinement son interprétation, lui donnant une dimension quasiment théâtrale. Ses gestes éloquents et sa chevelure ondoyante hypnotisent l’audience tandis que les notes s’égrènent comme un chapelet embrasé. La virtuosité le dispute à une sensibilité à fleur de peau, David Fray n’hésitant pas à accélérer ou ralentir à l’envi pour exprimer son interprétation personnelle des oeuvres des grands compositeurs du XIXe siècle.
C’est avec les Variations sur un thème de Schumann par Johannes Brahms que David Fray commence son récital. Le ton est résolument romantique et l’heure est à la rêverie. Brahms côtoyait Robert et surtout Clara Schumann à l’époque de l’internement de Robert Schumann dans un hôpital psychiatrique. Clara était alors devenue sa très chère amie et inspira une oeuvre que Robert Schumann apprécia énormément. Cet hommage à celui que Brahms évoqua comme son mentor mélange le meilleur des deux et David Fray en livre une prestation habitée. Quand arrive le moment de la Novelette n°8, le pianiste s’enflamme et gratifie l’audience de sa gestuelle démonstrative. Le pied frappe le sol, sa virtuosité s’exprime avec exubérance pour une prestation chaudement applaudie par le public.
Au retour de l’entracte, Arnold Schoenberg est invoqué avec les 3 pièces op. 11. Les tonalités d’un des inventeurs de la musique moderne et du dodécaphonisme se font rêches et dissonantes. L’heure n’est plus au romantisme mais aux compositions sérielles sans dominante ou sous-dominante. L’attention du public se fait plus concentrée pour tenter de décrypter une oeuvre plus aride mais pas anodine. Quand David Fray s’en revient à Johannes Brahms, les Fantaises op.116 ressemblent à une oasis après une longue traversée du désert. La légèreté alterne avec des passages plus nerveux, avec toujours la même fougue. L’apogée est atteinte avec ce mouvement final qui laisse l’audience hagarde. David Fray a réussi l’alternance pour une prestation chaudement acclamée.
3 rappels finissent de ravir l’assemblée. C’est d’abord le 12e moment de Kinderszenen L’enfant s’endort de Robert Schumann qui envoute la salle dans une interprétation ensorcelante. David Fray revient pour interpréter le premier mouvement Gens et pays étrangers toujours aussi envoutant de la même oeuvre avant de conclure sur un évident morceau de Bach. Aurait-il pu achever le concert avec un autre compositeur ?
Le concert fut relativement bref mais néanmoins intense. Le plaisir de retrouver David Fray au Théâtre des Champs Elysées est chaque fois renouvelé et le pianiste reviendra le 18 avril 2017 avec des oeuvres de Chopin et de Schubert
Dates : le 22 juin 2016
Lieu : Theatre des Champs Elysées (Paris)
Avec : David Fray