De nos frères blessés, une adaptation directe et sans concessions du sort d’un condamné à mort pendant la guerre d’Algérie
De nos frères blessés raconte une histoire de guerre et d’injustice. Quand un français d’Algérie est condamné à mort en 1956 pour avoir posé une bombe dans un local vide, son châtiment ressemble plus à un symbole pour l’exemple qu’à une honnête décision de justice. Dans les temps troublés d’un conflit qui ne dit pas son nom, le militant communiste se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, voyant l’échafaud s’approcher inexorablement. La troupe du Collectif Satori vise au plus juste, sans artifices ni détours pour évoquer l’innommable avec des mots forts et simples.
De la simplicité avant tout
Un premier comédien accueille le public en demandant les prénoms des spectateurs, le contact est simple et chaleureux. Quand il débute son évocation d’un déni de justice en plein coeur de la guerre d’Algérie, l’audience ne sait presque pas que la pièce vient de débuter. Il reprend les mots de Joseph Andras qui a ravivé en 2016 le souvenir de Fernand Iveton pour que ce nom ne soit jamais oublié. L’écrivain raconte l’histoire d’un homme qui ne voulait pas tuer mais interpeller sur une situation intenable entre français et algériens qui se disputaient le sort d’une même terre. Sans que le public ne le sache vraiment, trois autres comédiens sont disséminés dans la salle, près à intervenir pour compléter le récit du premier. Les regards sont francs, chacun scrute les spectateurs tout en déclamant son texte, à la place des soldats français qui torturent Fernand Iveton, des juges inflexibles qui veulent faire un exemple, de la femme du quidam et d’Iveton lui-même. Les tons varient et les répliques s’enchainent dans la plus pure proximité avec un public hypnotisé par le ton direct de la pièce. L’émotion affleure au fur et à mesure que l’inéluctabilité du châtiment se fait jour. Ni le président Coty ni son garde des sceaux Mitterrand ne jugent bon d’accorder la grâce. La population est à cran, les exactions et les lynchages se multiplient, le sort d’un homme seul parait anecdotique par rapport au carnage qui se prépare. La pièce De nos frères blessés au théâtre Les Déchargeurs interpelle par l’extrême simplicité de la mise en scène associée à l’intensité des 4 comédiens simplement vêtus à la mode d’aujourd’hui et qui utilisent leurs mots pour raviver la mémoire d’un homme sacrifié sur l’autel de la raison d’état. Quand une dizaine de spectateurs sont invités à la fin du spectacle à monter sur scène pour lire un texte, l’émotion est à son comble et préfigure l’ovation finale.
De nos frères blessés est un moment de théâtre vrai et sans concessions. Le metteur en scène Fabrice Henry a choisi de déformer ni la réalité ni le contexte, non pas pour accuser mais pour faire réfléchir et interpeller. Une pièce à découvrir absolument jusqu’au 10 mars au théâtre Les Déchargeurs!
Dates : du 20 février au 10 mars, du mardi au samedi à 19h
Lieu : Les Déchargeurs (Paris)
Metteur en scène : Fabrice Henry
Avec : François Copin, Clémentine Haro, Vincent Pouderoux, Thomas Resendes