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Denis Lavant et Frédéric Leidgens, deux phénix au bord du vide dans une « Fin de partie » magistrale, sont de retour   

Denis Lavant et Frédéric Leidgens, deux phénix au bord du vide dans  une “Fin de partie” exceptionnelle
Photo Pierre Grosbois

Denis Lavant et Frédéric Leidgens, deux phénix au bord du vide dans une « Fin de partie » magistrale, sont de retour

« Rien n’est plus drôle que le malheur, […] c’est la chose la plus comique […] mais c’est toujours la même chose […]. C’est comme la bonne histoire qu’on nous raconte […] nous la trouvons bonne mais nous n’en rions plus ».

Voilà, tout est dit, Samuel Beckett transcende sa propre noirceur par l’humour implacable de la dérision inscrite en filigrane dans les plis du langage et une humanité au bord du vide.

Clov (Denis Lavant), Hamm (Frédéric Leidgens), Nagg (Peter Bonke) et Nell (Claudine Delvaux) – pauvres rescapés de la vie – continuent à réinventer le jeu de l’humanité. Et ils résistent. Inexorablement. Pour continuer à exister, ils remplissent le temps des mots qui les émeuvent, les font s’insurger ou se taire. Ils vaquent à leurs occupations. Le monde s’est effondré mais eux comme si de rien n’était, ils continuent. « Fin de partie », pièce mémorable de Samuel Beckett, où la tragédie métaphysique du désespoir est portée à son paroxysme.

Une « Fin de partie » éclairante 

Quatre personnages donc sont à l’œuvre. Hamm aveugle et en fauteuil roulant. Avec lui, ses parents culs-de-jatte, jetés dans des poubelles, qui apparaissent par intermittences, et Clov, son domestique, peut être un fils adoptif.

Mais aujourd’hui quelque chose a changé : ça va peut-être enfin tout à fait finir. C’est cette fin, espérée et crainte, retardée et accélérée, jouée et subie, cette impensable et impossible fin, que raconte « Fin de partie » : Clov partira-t-il : abandonnant Hamm à lui-même ? La question est entière, et si la tension est extrême entre les deux personnages, si les paroles qu’ils s’échangent sont des coups qu’ils se portent, pointe simultanément une forme d’attachement entre eux, l’attachement d’un vieux couple. « Quelque chose suit son cours », mais cela va-t-il pour autant finir dans ce refuge coupé de tout, dans cet univers dévasté et post-apocalyptique.

Et au contraire de « En attendant Godot », qui centre l’action autour d’un personnage qui ne viendra jamais, « Fin de Partie » nous place dans l’attente de départs que l’on ne verra pas : celui de Clov, annoncé dès le début (« fini, c’est fini, ça va finir »), mais qui est encore présent à la fermeture du rideau ; celui des parents, dont la mort est suggérée sur scène sans qu’ils quittent l’abri de leurs poubelles. L’action est soit passée (Nell et Nagg évoquent leurs souvenirs de jeunesse), soit future (le départ de Clov, un projet de roman évoqué par Hamm, ce dernier allant jusqu’à affirmer que sa vie « a toujours été [future]»). Le présent se vivant dans l’attente et le ressassement pour les protagonistes déjà prisonniers d’eux-mêmes, et en attente de la fin.

Un dernier round inscrit dans l’anéantissement – malgré les répétitions, les détours, et les silences qui se nichent entre le texte – et non dénué d’un humour ravageur. Où dans un ultime acte de résistance, la langue ressassée, imprime sur un ton emprunt de dérision, de tendresse et de gravité mêlées, l’impossible quête existentielle.

La mise en scène sobre et subtile de Jacques Osinski fait entendre à merveille l’écriture composite du dramaturge, frappée jusqu’à l’épuisement de cette pensée du désespoir, et au plus près de la condition humaine, de sa résistance, de son mystère, de sa souffrance et de son impuissance.

Denis Lavant et Frédéric Leidgens sont vertigineux d’incandescence. Le premier, trépignant, désarticulé et empêché, ne lâche rien. L’autre, prolixe, aristocrate, et désinvolte, fulmine. Ils portent à l’unisson la profondeur et la richesse du texte de Beckett aux prises entre la dureté et la mélancolie, la consolation et la désolation, le fini et l’infini.

Une ambigüité si propre à l’œuvre du dramaturge et en miroir à notre condition humaine aussi dérisoire qu’unique.

Dates : 5 juin au 14 juillet 2024 – Lieu : Théâtre de l’Atelier (Paris)
 Mise en scène : Jacques Osinski

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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