Denis Lavant : un phénix au bord du vide dans « Cap au pire » de Beckett
Cap au Pire de Samuel Beckett est l’un des derniers textes du dramaturge pour une plongée radicale dans l’univers beckettien et son insondable vertige.
C’est un long monologue, aride, sans ligne narrative, troué d’images énigmatiques évoquant tantôt une constellation, « la Grande Ours », la « pénombre », « une mèche » des silhouettes, et dont les mots tendus vers le pire, martèlent, empirent, avancent, élaguent jusqu’au néant et annoncent l’état dernier.
Une lutte à mort avec le verbe et sa décomposition
Une avancée ultime donc inscrite dans l’anéantissement, malgré les répétitions, les détours, les chutes et les silences qui se nichent entre les blocs de textes, et non dénuée d’un humour dérisoire et ravageur « En face/le pire/jusqu’à ce/qu’il fasse rire » ou encore « Nul avenir, là. Hélas, si ».
La mise en scène sobre et subtile de Jacques Osinski fait entendre l’écriture composite du dramaturge, frappée jusqu’à l’épuisement de cette pensée du désespoir, et au plus près de la condition humaine, de sa souffrance et de son impuissance.
Où dans un dernier acte de résistance, la langue ressassée, imprime sur un ton emprunt de dérision et de gravité, l’impossible quête existentielle.
Denis Lavant, tel un phénix au bord du vide, est impressionnant. Imperturbable et immobile, il livre de tout son être intériorisé et en mouvement aux prises avec la fragmentation du texte, une lutte à mort avec le verbe et sa décomposition.
Dates : du 24 septembre au 19 octobre 2024 l Lieu : Théâtre 14 (Paris)
Metteur en scène : Jacques Osinski