Electrobeach 2016, Plus fort que jamais !
Fort d’une édition 2015 qui avait ENFIN fait entrer la France dans l’ère des très grands festivals EDM (Pour Electronic Dance Music) mondiaux, l’Electrobeach Music Festival allait être fortement scruté sur son line up 2016.
En effet, pas moins qu’Avicii, Tiësto, Alesso, Dimitri Vegas & Like Mike, ou encore Martin Solveig et Don Diablo, avaient tous défilé mi juillet l’an dernier au Barcarès, juste devant le mythique bateau de croisière échoué sur le sable, le Lydia. Pour les puristes qui ne jugent que par l’electro house, l’electro pop, la house, voir le dubstep, la dance ou le hardstyle par moment, avoir une programmation aussi pointue relèverait presque de l’hallucination. Il faut dire que la France est un territoire plutôt réputé pour ses DJs underground techno, minimal, tech house tel Laurent Garnier, Gesaffelstein ou encore Vitalic, qui eux tourne sans aucun soucis dans les plus grands événements électroniques ou non hexagonaux. En quasi parallèle à la French Touch versaillaise emmenée par Daft Punk, un trio composé de David Guetta, Bob Sinclar et Martin Solveig, a su composer des sonorités plus house et grand public, et a ainsi pu pousser les portes des clubs les plus prestigieux de la planète. Malgré une installation durable de ce genre de musique dans les moeurs de la jeunesse française, avant l’été dernier, il n’y avait jamais eu un événement de cet ampleur sur notre territoire, programmation et capacité incluses.
Jour 1 : Welcome to the Madness
Arrivé sur place un jour avant pour profiter de ce cadre magnifique que nous offre la ville du Barcarès, l’excitation est déjà palpable. Ca campe, ça se gare et ça picole joyeusement tout le long du front de mer et de l’avenue du Roussillon qui mène au Marina, club à ciel ouvert qui accueille déjà la pool party officielle de l’EMF. Les basses résonnent un peu partout dans une cacophonie qui fait quand même plaisir à entendre dans cette ambiance de début de vacances pétrie d’odeur de pin. S’articulant toujours autour du Lydia, mais englobant en plus deux restaurants de plage, quelques attractions foraines et un chapiteau bleu et rouge digne du cirque Pinder pour la scène techno, le premier coup d’oeil depuis l’extérieur sur le festival excite joyeusement nos sens. Plus encore lorsque résonne du Daft Punk pour l’ultime balance du jour qui fera vibrer le plancher du poste de secourisme d’où on en prenait plein les tympans.
Lendemain, soit jour J pour toute une flopée de fêtard n’attendant que ces 3 jours pour revenir enfin dans la folie Electrobeach depuis leur séjour de l’an passé. On sent que l’organisation a pris de la bouteille, malgré quelques couacs par ci par là comme l’arrivée tardive des bracelets par courrier. En effet, l’indication des parkings officiels, de la Green Beach (le camping officiel du festival), ou encore l’efficacité des cabanes d’accueil, ou la gestion des files d’attente ; tout cela a permis de réduire l’attente au minimum, même aux heures de pointe. Nous ne sommes pas encore au niveau des festivals hollandais ou allemands, mais on s’en rapproche de plus en plus. Une fois à l’intérieur, même constat, le flop énorme du rechargement de bracelet pour changer la monnaie en EMF (monnaie du festival) de l’an dernier qui avait vu se former des queues interminables aux quelques « banks » n’existe plus. Tout est relativement fluide, que ce soit aux multiples bars, aux stands de nourritures (pas assez variés à mon goût), voir même dans les attractions et autres bars sponsorisés par des marques d’alcool.
Malgré le fait que le festival perd 3 heures de programmation en ne commençant qu’à 17h pour terminer à 2h du mat, la foule est loin d’être dense et compact pour accueillir un Michael Calfan fidèle à lui-même et sa house tribal et classique, parfait warm up pour les premiers pas de danse. Vite, je profite pour me faufiler juste devant les ingés son tant qu’il n’y pas grand monde pour mieux apprécier le son du DJ français qui monte, et aussi pour couper les rafales de vent assez fraiches et prononcées pour l’époque. Ce qui a d’ailleurs empêché l’organisation d’installer l’écran central derrière les artistes. Une transition qui tarde après Calfan ? Et hop, une petite Marseillaise reprise en choeur par tous pour nous rappeler ce jour-ci que l’équipe de France nous a fait rêver il y a peu de jours de cela. Ce ne sera que la première d’une vingtaine d’autres minimum, circonstances obligent.
Vers 21h30, alors que je me faufile dans les backstages pour découvrir un minimum l’intime des DJs et l’envers du décor, un grondement sourd menace au loin dans le ciel. Pas l’ombre d’un nuage noir malgré le vent menaçant. Les gendarmes omniprésents et armés me rappellent suffisamment vite que ce bruit pourrait être autre chose qu’un tonnerre. Ce qui n’est qu’à moitié faux. Soudain, un tonnerre de métal bleu foncé sous la forme d’avion de la Patrouille de France fend le ciel en laissant un bleu-blanc-rouge de toute beauté dans l’axe de la scène principale. A ce balais mécanique aérien repassant quatre autres fois succèdera pour chaque coup une clameur immense du public. Frissons.
Eric Prydz, le DJ néerlandais derrière les pseudos Pryda et Cirez D, premier gros nom de cette édition, débarque dans le même temps et lance officiellement l’Electrobeach 2016 avec un show son & laser dont lui seul a le secret. A coup de nappes de synthé, de basses ronflantes, de rythme soutenu, Prydz qui a l’honneur d’être le premier DJ en sunset time, profite de cette ambiance de coucher de soleil splendide pour nous faire passer dans le côté sombre de la force. Son remix du The Power de Snap et les explosions de laser sur The People et Opus, son crescendo ahurissant, achèvent de convaincre les plus réticents à céder sous le charme d’un set puissant et assez éloigné des critères purs de l’EDM.
Martin Solveig, un des chouchous de l’an dernier au VJing (Technique qui consiste à mixer des vidéos pour qu’elles collent à la musique et au rythme) toujours inspiré, nous dévoile une partition spéciale pour la Fête Nationale : un revival de la French Touch. Pendant plus d’une heure, Daft Punk, Phoenix, The Avener ou encore M83 et DJ Snake vont se succéder entre ses tracks les plus marquants comme Intoxicated, Madan ou sa nouvelle bombe funky Do It Right. L’arrivée de l’obscurité permet de se rendre bien compte de la qualité des nouvelles installations visuelles sur le VJing de Solveig. Le froid malheureusement nous oblige à vite enfiler un pull malgré le fait qu’on soit dans une foule compacte. Décidément une drôle de météo cette année.
S’il y a bien UN DJ qui peut transformer la glace en feu, c’est bien le suivant : Tiësto. Le Néerlandais qui a traversé 3 décennies au sommet nous plonge directement dans le bain avec son terrible morceau Split écrit avec les artistes EDM de l’année The Chainsmokers, et contenant un sample de d’Ashanti. Comme à chacun de ses shows, le son est poussé encore plus fort, les lumières satures, les effets pyrotechniques, de fumée, de lumière nous emmènent très vite sur une autre planète comme très peu de DJs dans le monde savent le faire. A coup de nouveaux tracks, de classiques comme Red Lights ou Adagio for Strings, on passe par de nombreux styles dont un inédit trap complètement jouissif par son tempo, sa dynamique et ses vocaux, Tiësto prouve à tous qu’il reste l’un des plus grands artistes electro de son temps.
Un set conclu de manière épique par le remix d’Alesso d’If I lose myself des One Republic, track qu’on ré-entendra pas mal de fois dans le week end. Pour conclure ce premier jour d’une qualité et d’une variation assez folle, arrive Martin Garrix, le prodige EDM qui a conquit les dancefloors de la planète entière avec ses Animals. Depuis, il n’a fait que confirmer en collectionnant tube sur tube au point que certains experts voient en lui le successeur de … Tiësto. Autant vous dire que c’est une foule en liesse totale qui accueille l’arrivée du phénomène sous les premières notes jouées en piano d’Animals. S’en suit un déluge de ses propres hits, ainsi que quelques inédits, dont un duo dévastateur avec Florian Picasso venu sur scène, qui préfigureront sur son tout nouveau label personnel. Pas beaucoup de surprises, mais une efficacité de tous les instants dû à la qualité de ses enchainements et évidemment de ses tracks qui font jumper à chaque drop la foule entière.
Tremor, Turn up the speakers, Don’t look down ou encore The only way is up, qui offrent à Tiësto une apparition surprise de par son featuring sur l’écriture du son, résonnent encore le long des vagues de Barcarès en ce jeudi 14 juillet 2016. Jour de Fête Nationale conclut par un joli feu d’artifice bleu blanc rouge après une demi-heure de rab « offert » par le prince Garrix.
Jour 2 : Le jour d’après
Gueule de bois généralisée. Alcoolisé ou pas. Le drame a encore frappé. Des dizaines de morts. En France, à Nice, sur la promenade des Anglais : l’horreur, le bain de sang, la folie. Innocents que nous étions jusqu’à 2h30 du matin tant les réseaux saturaient près du Lydia. Pendant que nous nous défoulions sur des sons saturés et festifs pour évacuer une année déjà noire, des inconnus étaient écrasés au hasard pour avoir eu la seule volonté d’admirer un feu d’artifice. Ignoble. Lâche. Terriblement injuste. C’est encore une fois notre mode de vie qui est attaqué. Celui de la liberté d’expression, de l’égalité entre homme et femme, et de notre fraternité indestructible entre frères issus de tous les horizons et toutes les religions. Les vrais religions, celles qui prônent paix matin, midi et soir. Comme l’Islam. Pas DAESH. Jamais EI.
Le festival est maintenu. La sécurité est renforcée à son maximum. Pas une cinquantaine de mètre de fait sans croiser la police et la gendarmerie, cette dernière sévèrement armée. Pour mes frères qui viennent de Paris, pour que ces gens ne gagnent pas nos peurs, le festival continuera. En général, le deuxième jour est toujours le plus dur. Celui-ci particulièrement. Je ne rentre dans l’EMF que vers 19h. Le temps s’est réchauffé car le vent est un peu retombé. Les festivaliers sont toujours aussi nombreux si ce n’est plus malgré les nouvelles terribles. Le hashtag #PrayForNice fleurit un peu partout sur les bras, torses ou cuisses par-ci, par-là. Les tenues bleu-blanc-rouge également. Le patriotisme euphorique post-Euro a cédé sa place à l’union sacrée comme pour Charlie ou le Bataclan.
Quand on nous dit que la musique adoucit les moeurs, EDX ne le fait pas du tout démentir. Sa progressive house festive et lancinante est le parfait antidote à la morosité ambiante, surtout son très bon remix de Roadkill. Incontestablement un des meilleurs morceaux de cet été. Petit détour sous la tente de la Techno Stage pour faire coucou au maestro Sven Väth, boss du label Cocoon et omniprésent dans le milieu electro depuis plusieurs vies, si je peux me permettre. Une tech house très dansante et festive hante le chapiteau proposant une alternative de haute volée à tout ceux qui ferait une allergie soudaine à l’EDM, tant les styles sont antagonistes. Cette Techno Stage est une des belles nouveautés de l’EMF 2016 avec un line up très relevé, outre Sven Väth, Luciano et Loco Dice viendront régaler les amateurs de tech house-minimal.
Elle complémente bien la toujours cosy Beach Stage où la relève frenchy fait ses armes, avant de basculer, comme Michael Calfan avant eux, sur la Main Stage un jour ? On retrouve un autre artiste qui a fait le grand saut entre les 2 scènes pour un set pêchu parfaitement dans les couleurs et les sonorités du sunset : Robin Schulz. Devenu une référence depuis ses remixes pour Lilly Wood & The Prick ou encore Mr Probz, l’Allemand est devenu un référence absolue en matière de deep house. Pourtant classifiée comme musique d’apéro, tant elle est musicale et calme, sa deep house devient bien plus dansante et entrainante dans son set grâce à l’utilisation de drops bien plus entrainants, d’un VJing nerveux et par l’attitude de Schulz himself, totalement surexcité. On notera le passage du méga nouveau tube house d’Oliver Heldens & Chocolate Puma, Space Sheep, sans doute le track le plus dansant de cet EMF 2016 !
L’ambiance est revenue, bravo à Robin Schulz. Tout le monde est à point pour le DJ français le plus populaire à l’échelle de la planète : David Guetta. Il était du début de l’aventure Electrobeach, il y a quelques années. Il est l’un est l’un des premiers surpris, mais surtout fier de voir ce que cela est devenu. Lui qui tourne dans les plus grands festivals ne peut qu’adouber l’EMF 2016. Pour ma part, je suis un peu partagé. Entre ses mixes dans des avions, ses scandales de clefs USB, de platines pas branchées, le doute est permis. Il ne lui faudra pas 15 minutes pour les dissiper. Une intro façon Rencontres du troisième type toute droit sortie du nouvel hymne estival du déjanté duo Dimitri Vegas & Like Mike en collaboration avec W&W : Arcade. Le feu. Littéralement, avec des jets de flamme de folie, des drops de malade dont le fabuleux Trouble de Gregor Salto, le Français fait le job.
Barbe de deux semaines, veste en cuir, chignon, méga cernes, Guetta devient même ghetto quand il ponctue régulièrement son set de trap. Monstrueux. Le stéréotype du DJ blondinet qui sourit sans arrêt les mains en l’air est balayé sèchement par son track Pelican : hymne progressive house complètement planant dont personne ne pourrait soupçonner qu’il appartient à Guetta. Il choisit d’ailleurs ce morceau pour jouer à mettre la foule à genou avant de la faire sauter à la reprise de son beat puissant. Tous ses morceaux les plus populaires y passent, y compris un mash up génial entre I gotta feeling et Where are U now de Jack Ü. Inutile de définir l’état d’excitation extrême de la foule lorsque surgit dans les hauts-parleurs la voix robotisée de Guetta via un vocodeur.
Extrêmement kitsch mais très bon moment pour tous ceux qui ont vécu dans les années 90’s. Pas beaucoup de personnes en somme dans le public de 23 ans de moyenne de l’EMF. Jeune peut-être mais suffisant pour battre le record de fréquentation sur une journée du festival : 58 000 annonce fièrement le blondinet au look grunge.
L’Electrobeach est aussi adoré pour ça. Une capacité à nous faire aller dans un autre monde, un autre univers. Il faut bien les minutes de latence entre les deux artistes et une Marseillaise chantée d’un seul homme par la foule pour que l’on se remémore les événements tragiques de la veille. Axwell^Ingrosso profitent de l’ambiance chauffée par Guetta pour la faire exploser encore plus par leur énergie et leur double track d’entrée : Dream bigger et Barricade. Le duo suédois qui formait avec leur complice Steve Angello, les Swedish House Mafia, ne se cache plus ; ils sont les uniques héritiers des tubes planétaires du trio. Bootleg, mash up, remixes, tout y passe. Axwell, particulièrement en forme, va profiter d’un système spécialement amener pour eux de caméra placée juste derrière eux pour se retourner et s’adresser au public face camera.
Des vannes, des jeux, des « We love France », mais surtout une minute solennelle pour communier avec nous après la tragédie de Nice. «We feel sorry if your friends or family was hurt yesterday. We try to bring joy, because it’s the only thing we can do » (Nous nous sentons désolés si vos amis et famille ont été blessés hier. Nous voulons simplement vous apporter un peu de joie, parce que c’est la seule chose que nous pouvons faire.) Un moment d’émotion sincère qui nous redonne encore plus envie de tout lâcher jusqu’au closing. Un soleil qui se lève vers des lendemains plus beaux. Sun is shining.
Jour 3 : Les larmes du Serpent
Le Barcarès reprend son souffle tranquillement en ce samedi 16 juillet. Difficile de faire de liant entre les événements de Nice et la folie transcendantale de l’Electrobeach. Nous ne sommes pas les seuls dans le cas apparemment. L’ambiance le long de l’avenue du Roussillon semble elle aussi être retombée. Est-ce le retour de la chaleur avec le vent tombé, la fatigue cumulée entre bouches pâteuses et jambes en bois, ou tout simplement le trop plein d’émotion emmagasiné en si peu de temps ? Sans doute un peu de tout ça. Toujours est-il que les festivaliers sont beaucoup moins nombreux à peupler les rues de la petite station balnéaire. On peut y ajouter aussi que ce troisième et dernier jour de l’EMF jouit d’une programmation très éclectique, voir peut-être trop vis-à-vis des puristes de l’EDM.
Dillon Francis et DJ Snake, tous deux sont des puristes du style Trap, Dubstep, Moombahton, voir Moombahcore, c’est à dire un croisement particulier entre la musique électronique et les musiques urbaines comme le rap ou le reggaeton. Autant vous dire qu’on est assez éloigné niveau tempo, culture voir paroles de l’EDM. D’un point de vue personnel, autant j’apprécie la bonne humeur, l’innocence et l’énergie dégagées par les tracks de Tiësto par exemple, que les beats dévastateurs, les couplets enflammés et les skills aux platines de Skrillex. C’est donc avec une curiosité non feinte que je me dirige pour l’ultime fois en 2016 au sein de l’Electrobeach Music Festival.
Quelques minutes avant leur passage sur le Main Stage, j’ai le heureux hasard de croiser Rachid El Uarichi, soit la deuxième partie du duo Pep & Rash. Le sourire en banane, les frisottis qui rebondissent à chaque pas, le jeune Néerlandais confie son enthousiasme débordant de faire un métier dont il a toujours rêvé. « Ecrire des tracks qui cartonnent instantanément comme notre dernier featuring avec Lucas & Steve, Enigma, je ne peux pas vous décrire la sensation que cela fait ! » me confie Rachid en route vers la scène. « Jouer devant autant de personne. Wow ! ». Et on peut dire qu’ils assurent avec leur electro house entrainante sous fond de sunset enchainant les hits de Don Diablo et Oliver Heldens.
C’est alors au tour d’un nouvel Hollandais de leur succéder : l’ultra populaire Hardwell, bien nommé pour son style de set plutôt costaud à la limite du hardstyle par moment. C’est peu dire que le DJ est attendu par une horde de spectateurs en folie tant il est réputé dans le milieu de l’EDM, ce qui lui a valu de gagner plusieurs fois le titre de meilleur DJ de l’année dans cette catégorie. Après une intro explosive, Hardwell nous fait rapidement décoller pour une odyssée spatiale où nos chevilles ne retrouveront la terre ferme qu’une heure après. Collection de tubes et mash up, dont du Major Lazer, et son remix spectaculaire des Chainsmokers, Don’t let me down, achèvent une prestation de haut vol longuement saluée sur les réseaux sociaux des heures après.
Entre l’EDM bon enfant de Pep & Rash et le set surpuissant d’Hardwell, on peut dire que tout est fait pour qu’on entre de plain pied dans ce dernier jour d’EMF et qu’on oublie l’actualité morose du moment. Objectif atteint, et le public semble de retour en masse. Et ce n’est pas le discours du maire du Barcarès, très applaudi, et la Marseillaise reprise en coeur par la foule qui fera retomber l’ambiance.
Est-ce que tout ce monde serait venu pour le Néerlandais ou pour Dillon Francis qui prend sa suite ? La réponse risque de déplaire à l’Américain tant la foule semble appelée par les bars, les toilettes, la street food, voir les très jolies espadrilles personnalisées EMF des boutiques officielles. La frontière entre EDM pur et electro urbain semble encore avoir de beaux jours devant elle.
Et pourtant, quel set de Dillon Francis ! Succession de morceaux dévasteurs entre la pure Trap, d’anciens hits hip-hop remixés, du moombahton faisant bootychecker filles comme garçons et du dubstep. Conséquence involontaire de ce set : la place laissée, qui nous permet de danser plus amplement, ne fait que soulever un nuage de sable et de poussière tout à fait indigeste pour nos pauvres poumons.
Le phénomène est si intense et rapide, comme l’an dernier, que je me mis à tousser sans arrêt en quelques minutes. Entre les épileptiques pour les effets stroboscopiques des écrans géants et les asthmatiques, les soigneurs ont dû avoir du pain sur la planche durant ces trois jours. Il faudra que l’organisation veille à trouver une solution pour cette poussière insoutenable, la pelouse ayant résisté moins d’une journée. Toujours est-il que malgré cet inconvénient majeur qui nous a repoussé vers le Lydia, le set de Dillon Francis est sans doute ce que j’ai écouté de plus abouti, surprenant et équilibré des 3 jours. L’efficacité de ses titres I can’t take it, Get low ou Need U n’est plus a démontré, et en live, ils prennent une puissance folle grâce au sound system du festival.
Nicky Romero, qui lui succède n’a aucun mal à faire revenir les fans d’EDM, mais un peu plus de difficulté à faire remonter l’ambiance après une telle claque venue de chez l’Oncle Sam. Le Néerlandais (décidément !) est reconnu pour sa production musicale qualitative alliant un vocal très mélodieux et des refrains electro-pop tout droit hérités de la dance des années 90. Son intro sur Novell fait très bien le job, puis quelques bootlegs bien sentis dont le dernier Calvin Harris en duo avec Rihanna, This is what you came for, et le Guetta/Sia, Bang my head, suffisent à remettre la foule dans le bain. Un set conclu de main de maitre par un inédit et le terrible remix de W&W du très joué Don’t let me down des Chainsmokers.
Il est enfin venu l’heure de conclure cet Electrobeach 2016 avec celui qui a l’honneur d’avoir un stand de merchandising juste pour lui, celui qui a fait distribuer des centaines de drapeaux bleu-blanc-rouge avec la pochette de son album à venir dessus, celui qui est le seul français à pouvoir se targuer du milliard de vues (!) sur YouTube : DJ Snake. Le créateur du label Pardon My French, grand fan du PSG (et qui ne s’en cache pas vu les t-shirts détournés mixant label du club parisien et son blase) est le co-auteur du méga tube de l’an passé Lean On avec Major Lazer. Producteur très réputé dans le milieu underground trap-moombahton, il ne lui manquait qu’un tube pour accéder à une notoriété désormais mondialisée. Positionné comme point final de cet EMF, la popularité du bonhomme qui ne quitte jamais ses lunettes de soleil n’est plus à prouver. Malgré un style assez éloigné du set list global du festival, c’est bien une foule compacte et massive qui se presse et commence à sauter aux premières notes de son intro.
Snake est en fusion sur son estrade et son énergie est vite communicative malgré une saturation de son par moment dans ses drops impressionnants (Wow Propaganda et le remis de Turn down for that). Le Français est heureux d’être devant une foule aussi dense dans son propre pays et s’amuse à communier avec nous. Il refait monter sur scène Dillon Francis pour un Get Low qui restera longtemps dans les mémoires des festivaliers. On appréciera comme on veut son battle entre la droite et la gauche du public où il a profité pour allumer gentiment les VIPs perchés et trop sages. Moi, j’ai eu un grand sourire. Et au beau milieu d’un VJing hallucinant, soudain, on ne perçoit plus que le bruit de l’hélicoptère de la garde civile perchée là haut au dessus de la mer, veillant sur l’EMF. La réalité nous rattrape, DJ Snake aussi. Nouvelle minute de silence après celle plus tôt du maire du Barcarès.
La fin approche, les émotions affleurent, et quand retentissent les premières notes puissantes de la Marseillaise dans les haut-parleurs du Main Stage, c’est tout un peuple, français ou pas, qui reprend ou fredonne l’hymne national. Les frissons sont partout, et DJ Snake ne peut retenir ses larmes plus longtemps. L’hommage aux victimes de Nice ne pouvaient être plus fort à ce moment. Il fallait bien que ce soit l’hymne à la joie et la vie qu’est Lean On qui retentisse pour que tout le monde retrouve peu à peu le sourire et l’envie de communier. Il achèvera sa partition sans faute de goût avec ses deux derniers tubes Talk et Middle, me faisant commenter dans ma tête que pour un type qui enchaine « tubes pour gonzesses à la chaine », il a quand même fait un sacré set de bonhomme.
Epilogue
DJ Snake a donc conclu en apothéose une édition de l’Electrobeach Music Festival de tous les records. 176 000 fêtards ont été dénombrés cette année, soit 36 000 de plus que l’an dernier, première fois où l’EMF se déroulait dans sa nouvelle formule en 3 jours avec un line up dantesque. Plus d’un million de photos et vidéos ont été téléchargés sur les réseaux sociaux, saturant régulièrement les lignes locales. On peut donc en conclure que cette édition a été un triomphe total. Et cela était loin d’être joué entre l’audace d’un line-up plus urbain sur le troisième jour, la mauvaise météo du premier jour, et surtout l’attentat niçois qui aura plombé une bonne partie de la bonne humeur du second jour. Mais, c’est uni comme jamais que l’EMF a tenu bon à coup d’une bonne quinzaine de Marseillaise chantée à tue-tête d’une seule voix. C’est par la culture et l’éducation que le terrorisme se combat le mieux. Tous ensemble.
Côté show, cette édition a été tout simplement dantesque, surpassant une édition 2015 qui avait déjà bénéficié d’un plateau extraordinaire. L’amélioration de la scène principale niveau son, lumière, laser, écran, l’ajout de la Techno Stage, les diverses attractions foraines sont parmi les réussites incontestables de cette année. Des améliorations au niveau de la sécurité, décrite comme un gruyère lors du premier jour, des stands de nourriture ou encore de la gestion des sols (trop de poussières) peuvent être faites. Côté DJ, la qualité et l’éclectisme étaient plus au rendez-vous que l’an dernier malgré une quantité moindre de grands noms. Le pari est donc réussi pour l’organisation qui avait justifié les 3 heures en moins par jour par un resserrement qualitatif de sa programmation. Le coup de poker Trap-Moombahton réalisé avec DJ Snake et Dillon Francis est un franc succès. Cela pourrait ouvrir la programmation à des artistes encore plus renommés dans le domaine tel Diplo et Skrillex, réunis sous Jack Ü, pour ne citer qu’eux… A bon entendeur !