Fanny Ardant / Marguerite Duras : la liberté par dessus tout
« Il y a une grande inimitié entre la vie et la grande création » disait Marguerite Duras. Et qui mieux que la parole pour se laisser aller, se laisser dire, nous dire justement, là, tout Duras, suspendue toute entière à la passion, au désir, libre envers et contre tous.
« La passion suspendue » traduit les entretiens accordés par Marguerite Duras entre 1987 et 1989, après la parution de « L’amant ». La romancière se confiait à une jeune journaliste italienne sur sa vie. Ce dialogue, publié une seule fois en langue italienne, avait disparu, jusqu’à ce qu’il ne soit finalement édité en français il y a quelques années.
« J’ai oublié tant de choses dans ma vie, tant de livres, de conversations, mais pas certaines histoires qu’elle nous racontait », dit l’écrivain en parlant de sa mère, cette « extraordinaire conteuse ». Leopoldina Pallotta della Torre, en décidant de ne rien enregistrer, ni écrire au moment où Duras lui parlait, a réussi à capturer l’essence même de sa pensée, cette pensée si singulière et aimantée à ces années d’enfance et d’adolescence, qui marqueront à jamais toute son œuvre.
Mots qui sont donc une parfaite introduction à ses livres car dans ses romans, autant que dans son théâtre, elle n’a eu cesse de se raconter et de retravailler les événements qui l’ont marqué pour toujours mieux en réinventer les traumatismes.
L’embrasement des mots
Des mots qui brûlent d’un embrasement sur l’enfance, l’écriture, l’engagement, la politique, la littérature, le cinéma, le théâtre, les hommes mais aussi les souffrances, la passion, la solitude, l’alcool.
De sa longue silhouette, Fanny Ardant, aussi souveraine que solaire, traverse la scène, et fait corps avec la parole durasienne. Où à travers la justesse des mots, forts de leur vérité la plus intime mais aussi la plus irréductible, s’incarne magistralement cette figure littéraire, emprunte de conviction, de passion, d’audace, d’intelligence, de roublardise et d’engagement.
L’actrice, accompagnée de Bertrand Marcos dans le rôle du journaliste, convoque avec une infinie subtilité cette destinée à l’abri d’une mise en scène sobre qui en préserve l’introspection comme sa circulation dans l’espace.
Sans doute portée par cet exercice propre à la confidence et aux digressions que cristallise l’entretien, tout à la fois volontaire et candide, Marguerite Duras y parle en toute franchise et sans langue de bois. Elle y parle de la vie, de toute une vie, avec cet art de contenir les mots, de les rendre à leur sens : plein, intemporel, universel mais également vif, incisif et passionné. Porteurs d’une pensée libre, irréductible, sensible et définitive.
Sa curiosité, son hardiesse, sa franchise, sa ténacité, sa lucidité, sa vision, témoignent tout autant d’une capacité de résistance que d’indignation dont l’écho aujourd’hui, face à la dérive d’une époque, demeure intact.
« Le désir est une activité latente et en cela il ressemble à l’écriture : on désire comme on écrit, toujours”.
Dates : du 26 décembre 2019 au 06 janvier 2020 – Lieu : Théâtre de l’Oeuvre (Paris)
Metteur en scène : Bertrand Marcos