Une femme libre exhumée sur les planches du Studio Hébertot dans la pièce Cantate pour Lou von Salomé
L’existence de Lou von Salomé s’écoule dans un spectacle tumultueux qui déborde de vie et de passion. Impossible de faire simple pour rendre compte de l’abondance de rencontres et de vies multiples dans une seule vie pour une femme qui vécut sa liberté au lieu de simplement la prêcher. Rainer Maria Rilke, Friederich Nietzsche, Sigmund Freud, la liste des noms illustres l’ayant côtoyée fait rêver et illustre bien l’attraction exercée par une héroïne bien singulière dans un temps où la plupart des femmes restaient encore sagement au foyer. Les deux actrices Bérengère Dautun et Sylvia Roux rivalisent de grâce et d’intensité pour emporter littéralement l’audience avec elles dans un voyage fait de fantaisie et de drames.
Une femme libre
Le captivant film Lou Andréas Salomé avait déjà célébré en 2017 la mémoire d’une femme qui, au tournant des XIXe et XXe siècles, s’était ralliée à la scène culturelle européenne par la force de ses idées. La pièce rédigée par Bérengère Dautun donne envie de mieux connaitre cette héroïne universelle. En compagnie de Sylvia Roux, elle figure l’héroïne femme de lettres allemande d’origine russe, née à Saint-Pétersbourg en 1861 et morte à Göttingen en 1937. Toutes deux évoquent les personnages importants de sa vie via des artifices dont elles se parent pour changer d’identité à l’envi. Une ombrelle par ci, une collier par là, les identités valsent dans une sarabande sans fin. Les parents aimés, les amants éconduits, le mari épousé sans passion, toutes ces étapes sont évoquées dans une chronologie qui fait brillamment ressortir la personnalité de cette intellectuelle bohème pan-européenne, sans attaches mais pas sans convictions. Son existence est marquée par des rencontres avec les plus grands esprits de son temps. La photo où elle fouette l’attelage constitué notamment de Friederich Nietzsche ne laisse de fasciner et sa détermination à accepter le mariage avec Friedrich Carl Andreas en échange de la promesse de ne jamais le consommer donne un aperçu de ses priorités avant tout intellectuelles. L’amour passionné de Reiner Maria Rilke à son égard et la fascination de Sigmund Freud ajoutent à la cosmogonie d’un personnage bigger than life. La mise en scène très simple en même temps que très évocatrice d’Anne Bouvier fait la part belle aux deux comédiennes dont l’amitié jaillit sans mal au détour de saynètes qui donnent envie de se plonger dans l’oeuvre d’une femme envoutante qui a marqué autant son temps que la postérité. L’ajout d’un écran au fond de la scène précise la chronologie avec l’inscription de phrases grandement évocatrices d’une vie placée sous le signe de la liberté.
Cantate pour Lou von Salomé est à découvrir au Studio Hébertot dans une reprise aussi intense que fervente, de quoi raviver la mémoire d’une femme d’exception.
Dates :Du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 17h
Lieu : Studio Hébertot (Paris)
Metteur en scène : Anne Bouvier
Avec : Bérengère Dautun, Sylvia Roux