Les Invisibles, dénonciation d’une forme d’esclavage moderne en Corse (JC Lattès)
Antoine Albertini est journaliste à la rédaction de France 3 Corse, rédacteur en chef adjoint de Corse-Matin et également correspondant pour le Monde. Il habite lui-même en Corse. Dans son dernier livre Les Invisibles, il dénonce les conditions de vie de milliers d’immigrés venus clandestinement en Corse, en tentant d’élucider un crime d’un Invisible.
Scénario qui fait froid dans le dos
A travers l’histoire vraie de El Hassan Msarhati, l’auteur dénonce tout un système que l’on pensait éradiquer depuis longtemps. El Hassan Msarhati fait partie des Invisibles. Il habite en Corse mais aux yeux de tous, il est comme tous les immigrés maghrébins, Invisible. Son histoire à lui s’est mal terminée. Il a été assassiné, lâchement, d’une balle dans le dos, en novembre 2009, à 40 ans. L’auteur tente de résoudre l’énigme de ce crime, en comprendre les motifs et surtout trouver son assassin. Et ce n’est pas le seul Invisible à se faire tuer pour rien…
Esclavage moderne
A travers la victime, on découvre les conditions de vie de tous les travailleurs immigrés. Non seulement ils doivent payer un passeur dans leur pays d’origine, avant même d’arriver en Corse, mais une fois sur place, ils se font exploiter de façon totalement inhumaine. En Corse, dans la plaine orientale, se trouvent les plus belles exploitations agricoles de l’île. Et ce sont ces Invisibles qui vont faire tout le » sale boulot » des petites mains. Entretenir et ramasser les récoltes des fruits. Leurs salaires sont misérables et leurs conditions de vie déplorables. Mais ils ne peuvent rien dire car ils sont quasiment tous des travailleurs clandestins. Et les autorités laissent faire. Car tout ce trafic rapporte beaucoup d’argent…
Sur fonds de racisme
Bien sûr, le racisme est au cœur de cet esclavage. Mais non seulement les propriétaires sont racistes face aux immigrés et les traitent moins bien que leurs chiens, mais les Invisibles entre eux sont aussi racistes et certains d’entre eux n’hésitent pas à aller racketter les plus pauvres en leur volant la minable paye du jour ou du mois… Une loi sociale implacable… L’exploitation de l’homme par l’homme à tous les niveaux des classes sociales.
Antoine Albertini n’a pas peur des conséquences que son livre risque de soulever. Car les Corses n’aiment pas qu’on puisse ne serait-ce, que les soupçonner ! L’auteur cherche à tout prix à élucider la mort de ce pauvre El Hassan Msarhati, le misérable d’entre les misérables et à dénoncer haut et fort les horreurs vécues par les Invisibles. Pour que cela cesse, enfin.
La justice n’a jamais su qui étaient ces ils. Les assassins n’ont jamais été retrouvés.
Antoine Albertini a voulu reconstituer le parcours de cet homme exécuté dans le dos, d’une balle de fusil de chasse. Il a enquêté. Visité les mobils homes où vivent des milliers de déracinés, serfs des temps modernes, qui récoltent le raisin, les kiwis, les clémentines dans les champs corses. Il a rencontré des immigrés clandestins, des avocats, des gendarmes, des vignerons. A travers le destin tragique d’El Hassan, Antoine Albertini révèle le sort de milliers d’hommes dont on ne parle jamais, il décrit une économie, une société, un monde caché. Lorsque le rosé bu par les touristes sur une plage de Porto-Vecchio a un arrière-goût de sueur d’esclaves.