Un beau moment d’émotion avec Le cri des anges au Théâtre Essaïon
La pièce débute tel un conte de fée moderne. Ally rencontre Hugo lors d’une soirée, presque par inadvertance et sans connaitre les impacts sur le reste de sa vie. Sans le savoir, elle va fondre pour ce quidam qui a su toucher son coeur. Mais la love story fait long feu lorsqu’un accident aussi inopiné que violent fait tomber Hugo en état de mort cérébrale. Le Cri des Anges raconte la tentative désespérée de la survivante pour surmonter le deuil et tenter de vivre par delà le drame. L’émotion monte crescendo dans une mise en scène épurée rythmée par le texte poignant d’Amélie Cornu et la musique originale de Nicolas Dessenne.
Un seul en scène attachant
L’heure et quart de spectacle voit Amélie Cornu raconter sans discontinuer la croix qu’est devenue son existence suite à l’accident de son compagnon. La rencontre initiale est réduite à l’essentiel, le crush est plus suggéré que véritablement expliqué pour laisser deviner l’insouciance d’un évènement vécu comme un songe. Puis survient l’inexplicable, aux raisons pudiquement passées sous silence pour se concentrer tout du long sur les réactions d’Ally. Comment réagir quand l’intolérable s’immisce inexplicablement dans votre vie? Il n’y a pas de manuel de survie et l’héroïne emprunte un chemin intérieur tumultueux pour trouver la lumière au fond de l’obscurité. Amélie Cornu soliloque seule en scène, exprimant une intériorité faite d’émotion et de résignation. Les rares moments de dialogue la voient prendre la pose pour figurer ses interlocuteurs à coups de regards en biais ou de mains dans les cheveux. L’histoire pesante est rythmée par des saynètes introduites de notes délicates au piano rappelant Philip Glass ou Erik Satie. Leur délicatesse souligne le tumulte intérieur d’une héroïne perdue dans un océan d’incompréhension.
Une variation émouvante sur le deuil
Si le cinéma a souvent abordé la question épineuse du deuil et du souvenir (La Chambre du Fils, La Délicatesse…), ce thème est moins abordé au théâtre. Pourtant, la performance et le texte d’Amélie Cornu communiquent une complexité très humaine qui illustre les hauts et les bas d’un personnage bien obligé de vivre. Rien n’est caché de son trouble intérieur et de ses tentatives pour récupérer un élan vital brisé avec l’immobilité forcée de son compagnon. La comédienne insuffle un énorme courant d’empathie pour ce personnage perdu qui doit retrouver son chemin malgré les coups de blues continuels. La solitude l’accompagne seule dans des tourments présentés avec justesse et délicatesse. Beaucoup se poseront la question de la possible part d’expérience personnelle relatée sur scène, augmentant d’autant l’émotion ressentie devant une pièce interprétée avec puissance et conviction.
Le Cri des Anges aborde un sujet grave sans verser dans le pathos futile. L’émotion affleure sans cesse pour un spectacle qui interpelle et bouscule au Théâtre Essaïon.
Dates : du 10 mars au 28 mai, tous les mercredi à 19h45
Lieu : Théâtre Essaïon (Paris)
Metteur en scène : Jean Barlerin
Avec : Amélie Cornu