Le Lucernaire donne carte blanche au Collectif La Folle Journée pour insuffler une énergie folle à l’œuvre légendaire de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais appelée au sens large La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro. Beaucoup de folie dans ces 1h35 de spectacle menés tambour battant et sans temps mort. Texte au cordeau, chansons rock, attitudes outrancières, rien ne manque pour adapter l’intrigue à notre temps et la rendre furieusement rock’n’roll. La première représentation le 27 avril 1784 au Théâtre François (aujourd’hui Théâtre de l’Odéon) fut un triomphe, la salle bourrée à craquer et la salve d’applaudissement finale montre qu’il en est de même en 2023.
Un mariage acerbe et éffronté
La pièce écrite en 1781 et victime de plusieurs années de censure pour sa dénonciation des privilèges archaïques de la noblesse toucha une si vaste audience qu’elle fut adaptée en opéra par Mozart et Lorenzo da Ponte sous le titre Le nozze di Figaro (Les Noces de Figaro). Quelques mesures se font d’ailleurs entendre à la sauce électronique, un peu à la manière de Wendy Carlos pour les œuvres de Beethoven dans Orange Mécanique. De quoi contribuer à l’ambiance électrique qui secoue les personnages d’une intrigue complètement folle. Chansons de David Bowie (Suffragette City), Queen (Under Pressure) et Richard Cocciante (Le coup de soleil) contribuent au rythme d’une pièce qui va marquer l’été théâtral parisien, comme L’écume des jours le fit en 2022 (déjà de la folie et de l’énergie), pièce d’ailleurs reprise au Lucernaire. Les comédiens sur scène courent, virevoltent, s’époumonent, chantent mais surtout incarnent à la perfection la duplicité de personnages soit imbus d’eux-mêmes soit obligés d’user de duplicité pour trouver une bonne place dans la société et gagner leur vie. Difficile de savoir quels sont les noms des comédiens derrière les personnages (bien dommage!) mais ils méritent tous un immense bravo. La troupe revêt les habits de personnages truculents qui font de la pièce une grande cour d’école délurée. Le valet Figaro est un garnement habile à l’œil rusé, sa promise camériste Suzanne est une jeune femme malicieuse et séduisante, le Comte Almaviva est un aristocrate libertin qui pense être intelligent mais ne l’est pas tant que ça, la Comtesse délaissée joue un bon tour à son cuistre de mari, Chérubin est joué par une comédienne au toupet étonnant, Bazile est un impénétrable professeur de clavecin caché derrière ses lunettes noires (là aussi interprété par une comédienne), Marceline est une femme de charge bougonne, Antonio est un jardinier aux airs de Bourvil, tant de personnages mais toujours la même truculence. L’adaptation de Philippe Person laisse libre cours à une imagination débordante pour aboutir à une bande de personnages grandiose, un peu comme un épisode du Journal de Mickey, les travers sont dépeints avec tendresse et les situations les plus alambiquées sont toutes pleines d’une immense charge comique. Mais surtout le texte est là, subtil, clairvoyant, puissant, énoncer avec grâce et aisance par de jeunes comédiens à l’indéniable talent.
Il faut voir la manière dont une comédienne change une regrettable mais inévitable erreur de prononciation en une irrésistible pirouette comique, signalant ainsi son aisance, son habileté et la maitrise du texte pour ne pas perdre contenance et faire rire le public. Du grand art, comme tous les comédiens qui ont su faire de cette pièce du XVIIIe siècle un grand succès du XXIe siècle.
Synopsis:
PRENONS NOS DÉSIRS POUR LA RÉALITÉ
C’est le jour des noces de Figaro, valet du comte Almaviva et de Suzanne, camériste de la comtesse. Jour de joie donc mais soumis aux dérèglements des cœurs, des corps et des horloges. La journée devient folle. Parmi ses dérèglements, ceux du comte et de ses désirs impérieux pour Suzanne, ceux de Marceline, femme de charge, qui estime que Figaro lui appartient, sans oublier la comtesse qui, délaissée, soupire pour un jeune chérubin dont les sens sont eux-même en ébullition. Tandis que les horloges s’emballent, il s’agit de faire entendre que c’est la société qui est déréglée et qui conduit à ce désordre. Figaro, le fou de cette folle journée est alors le plus sage d’entre tous.
Selon que vous serez puissant ou misérable…
Création inédite à découvrir pour la première fois au Lucernaire.
Détails: Mercredi < samedi 20h | Dimanche 17h