Sur l’île, une prison, un livre carcéral de Maurizio Torchio (Denoël)
Maurizio Torchio, écrivain italien, nous livre un récit surprenant sur la vie carcérale. Sur l’île, une prison raconte la vie carcérale, dans ses moindres détails, à travers un homme condamné à perpétuité.
On a tous vu des films sur les prisons et on imagine un peu la vie quotidienne en prison. Mais avec le livre de Maurizio Torchio, le lecteur est plongé au cœur du quotidien des prisons, et également des pensées intimes des prisonniers, et plus particulièrement d’un prisonnier. On devient à part entière un homme privé de toute liberté. Toro est en prison pour avoir séquestré la fille d’un patron, surnommée La Princesse du café. Il nous raconte comment il a surveillé cette otage, des jours et des nuits, sans jamais la toucher. Et une fois en prison, il a littéralement pété un câble et a fini par tuer un gardien. Il se livre de façon intime sur sa vie carcérale, enfin le peu de vie qu’il a à l’intérieur de la prison. On en connaît les moindres détails, qui n’ont aucun point commun avec la vie en-dehors de la prison. C’est presque inimaginable.
[…] Ceux qui disent que les visites sont une torture disent une connerie, et ils le savent. Y compris moi. Il ne faut pas l’oublier, parce que quand on se plaint trop on risque d’en venir aux mains avec ceux qui, peut-être, ont des enfants qui refusent de leur répondre au téléphone depuis dix ans.[…] p.168
Les gardiens ont aussi une vie comparable à celle des prisonniers, même s’ils sont de l’autre côté. L’auteur, Maurizio Torchio, arrive à nous capturer par cette vie désespérée mais qui reste quand même la vie. On se sent « étouffé » par tant de manque de liberté, manque de tout, presque un manque d’oxygène. Quand Toro parle de la place des femmes dans les prisons, cela donne la chair de poule.
Que cherchent-elles, en ces hommes qui les ont laissées seules ?
Des belles femmes, qui attendent des heures pour les enlacer un instant.
Et elles reviennent, elles reviennent, elles reviennent.
Des hommes qui ne pourraient jamais subvenir à leurs besoins. Mais ces femmes semblent se moquer de l’avenir ou du passé. […] p. 161
C’est à la fois presque inhumain et en même temps, tellement humain que c’en est troublant. A travers ce condamné à perpétuité, l’auteur met l’accent sur les contradictions même de l’homme. Incohérence du système, certes, mais aussi incohérence chez l’homme.
Mais jamais de jugement, de morale, juste des faits et des descriptions d’une situation, hélas, bien réelle.
[…] J’ai peur. J’ai honte de le dire. Pourtant si je ne le disais pas, j’aurais encore plus honte. J’ai peur parce que j’ai de l’espoir. Parce que, de façon absurde, j’ai l’impression d’avoir encore quelque chose à perdre. C’est vrai que je suis condamné à perpétuité sans remise de peine, mais les lois changent… Et puis, il y a toujours la grâce. […] p.205
Un très beau livre à découvrir, sans préjugé, juste à découvrir la vie autrement, la vie derrière les barreaux…
Depuis le tréfonds d’une cellule s’élève une voix. Celle d’un homme emprisonné pour avoir enlevé la fille d’un patron local, surnommée «la Princesse du café». Le jour où il tue un gardien, il est alors condamné à perpétuité et décide de tout raconter : les relations entre gardiens et détenus, les rivalités et la solidarité entre les prisonniers eux-mêmes. Il décrit la nourriture, le sexe, le monde extérieur, l’attachement désespéré aux objets, les jours et les nuits qui se confondent – tous les détails, même les plus infimes, sont rapportés avec une minutie sans pitié.
Sur l’île, une prison est un roman puissant et hypnotique qui plonge le lecteur dans un univers où l’espace et le temps, le bien et le mal, la lâcheté et le courage tels qu’on les connaît n’ont plus cours. À l’image d’Un prophète de Jacques Audiard, Maurizio Torchio nous livre un récit fascinant et inoubliable, dépourvu de tout jugement ou complaisance, sur la vie carcérale.